reportage rossi part à la retraite - la fin d'une génération ou une histoire de cul ?

La dernière de Rossi à Valencia, c’était comment ?

Avant de te plonger (à l’abri des regards indiscrets bien sûr) dans cette histoire du cul, je me permets de te présenter l’auteur de cette belle histoire, Momo.

Te présenter l’autre Momo. On est bien d’accord, rien ne peut remplacer un Momo. Surtout lorsqu’il est dans le plâtre suite à son crash au Dakar (il va bien, arrête de le plaindre d’ailleurs;-) En revanche, un Momo peut clairement en cacher un autre ! D’où mon souhait de te présenter sur Kap2cap (LE site des aventures à moto), Morgan Govignon. L’autre Momo. Tu comprendras qu’aucune rivalité n’est possible entre ces deux là, quand tu sauras que tous deux sont un peu issus du même moule déglingué. Et partagent la même passion.

Ces deux là, je les ai même croisés sous le même auvent. A la Northwest 200. L’un en tant que mécano de Fabrice Miguet et l’autre (Baratin) en tant que pilote. Tous deux avaient déjà la même lueur étrange au fond des yeux. Un je ne sais quoi que j’ai déjà croisé au fond de la rétine d’un certain Wayne Rainey, star des GP dans les années 80. À mi chemin entre détermination indécente, lucidité et inconscience!

Momo Baratin, tu connais bien son parcours: Tourist Trophy, Macao, 24 heures du Mans, Dakar … L‘autre, Govignon, je sais que tu le connais moins bien. C’est du à son extrême timidité et à cette petite (grosse?) tendance qu’il a à se dévaloriser. Pourtant, le Govignon compte deux Tourist Trophy à son compteur et de très nombreuses autres aventures avec un grand A. Timide et modeste à tel point que Momo, il aurait tendance malgré tout ça à , faire croire que c’est un motard comme les autres. Et ça tu vois, j’aime bien. Je pense même qu’il a raison. L’autre chose qui m’a marquée  chez Momo Govignon, c’est cette exceptionnelle capacité qu’il a, à raconter d’incroyables histoires.

Une vraie plume que je me devais assurément de te présenter sur Kap2cap. Tiens, Momo, récemment il m’a dit: “Il faut que j’aille à Valencia voir la dernière course de Rossi”. Là, tu pourrais t’attendre à un bon papier retraçant la carrière de l’idole du MotoGP. Bah non. Le Momo, tu sais ce qu’il a rapporté de son voyage à Valence sur sa Triumph? Une histoire de cul mélangée à la fin de toute une génération. Puisque je te le dis. Action Günter (oups, disons plutôt que la parole est à Momo)

Adieu Rossi

Une histoire de cul par Morgan Govignon

“C’était un truc que je m’étais promis. Comme beaucoup, je suis passé à côté de la première fois… Mais pour la dernière, j’avais dit que je serai là. Mercredi moins le quart, départ de la première étape, cap sud-sud. Il fait beau et le gel recouvre les pneus des trois machines restées dehors : Katana, Hornet, KTM SMT, il n y a que notre Street Triple qui a eu l’honneur de passer une dernière nuit au chaud. Je dis notre, car à l’instar des deux japonaises, la Triumph accueille également une passagère, ma passagère, pour ce trip d’autiste. 6 jours, trois en tribunes, 2600 km à répartir sur les autres.”

“Le froid pique à peine, juste de quoi dire aux copains « il gelait ce jour-là ». L’hiver a un peu d’avance en ce mois de novembre, mais qu’importe : nous allons rendre hommage. Greta ne nous le pardonnera pas, mais oui, 4 normands et 3 berrichons sont partis rejoindre l’Espagne et le circuit Ricardo Tormo. Le but ? Aller voir rouler des mecs ayant pour seul objectif de revenir du même endroit qu’ils sont partis avant tous les autres. On appelle ça la course. D’un point de vue philosophique, c’est assez stupide. De mon point de vue, c’est beau. C’est beau comme un feu qui passe au vert, comme une prise de frein de Dovizioso, comme une attaque de Jack Miller, comme le cul de ma passagère. Ben oui, c’est que moi j’ai des goûts simples, et seulement deux passions dans la vie… Faut dire aussi… Comment t’expliquer…”

“Je pourrais faire une photo, mais elle m’en voudrait. Bon. C’est un cul comme on n’en fait plus. Pas un cul de cross-fitteuse, pas un cul de Kim Kardashian, ni un cul d’amante fatiguée. Non, c’est un cul à la Brassens. Une symétrie lunaire parfaite, une écorce douce et accueillante, c’est un séant callipyge de jeune maman. Une œuvre d’art qui a décidé de souffrir pour aller voir sa légende. Jeudi soir, arrivés à la Casa Modernista, j’examine mon bien à travers les coutures de son jean… Aucun doute, les 1200 bornes avalés dans le froid et sous le déluge ont presque failli lui creuser les joues ! Mais elle est là et qu’importe si l’histoire est faite de sacrifices anonymes…”

“Vendredi, FP1. Moto 3, Moto 2, et enfin. La première fois que je l’ai vu, c’était en 96 dans Moto Journal. J’avais 10 ans. Un phénomène. Au début personne ne savait. Moi, je suivais Jacque et Laconi, rêvait d’avoir la moto de Biaggi, mais un nom commençait à sortir du lot : Valentino Rossi. C’était un jeune, qui aurait pu être mon grand-frère, et qui jouait. Avec les autres, avec les règles, avec les codes. Bien sûr Barry Sheene avait botté de son 42 le cul du Continental Circus, mais plutôt façon mauvais garçon des années 70. Valentino, c’était autre chose. Vu de ma fenêtre, ç’aurait put être le grand Dudule qui faisait des wheelings avec sa mobylette. C’était ma génération qui arrivait au pouvoir, claquant le beignet au monde des adultes, des Biaggi qui se serrait des mannequins, des Schwantz, des Doohan, et de ces héros cicatrisés qui ont fait la légende des années 90. Rossi, dès le début, c’était nous en mieux : les triomphes, les couleurs qui pètent, et l’humour, partout, tout le temps. Il éclaboussait les autres comme on aurait aimé péter à la gueule de nos ainés trop sérieux.”

“La FP1 était humide, mais tant pis. J’ai mal aux fesses sur les sièges en plastique, et celles de ma voisine geignent aussi. On se sert très fort la main parce qu’on s’aime vachement, d’une part, et parce que ce qui se passe devant nous est fort : nous allons devenir vieux. Le soleil des essais du samedi, c’était juste une blague. Dimanche, quelques FP et QP plus tard, l’astre solaire est bien sombre : il git à l’ombre du tsunami qui s’est abattu sur la communauté de Valence. Un tsunami jaune, haut comme une tribune, bouillonnant de mille drapeaux. Nous, on est devant « Doohan », le deuxième virage du circuit, quasiment au départ de la vague. C’est énorme. Gigantesque. L’architecte n’a placé aucune tribune à l’intérieur du circuit, ce qui fait que tu n’as le tracé qu’en mode panorama. Et d’où nous sommes nous n’avons à droite qu’une foule infinie jaune Rossi.”

“Les premières courses étaient belles, le baston en Moto 3, le titre d’un Gardner dévoré par l’enjeu, mais il est temps d’ajouter un cylindre à la mélodie des Moto 2. L’heure est venue de nous dire adieu. 27 tours, c’est court, mais c’est tellement tout. Ces 27 tours, ce sont mes rêves perdus d’être un jour pilote de grand prix. C’est ce numéro 46, peinture sur Typex, au fond de ma calculette au lycée. C’est cette 250 Aprilia RS verte blanche rouge, magnifique. C’est ce tour de cou jaune Rossifumi, bien pratique pour faire du 103. C’est mon petit frère Jessy, à côté. Il a la glotte statique, coincée par les grosses boules qui commencent à monter, sa Julie en bandoulière. C’est Burgess, Drudi, la tribu des Chihuahuas, la science au service de la folie. C’est un 2 temps hawaïen, un V5 hurlant, la province contre un Romain, et mon pote Tibo qui pousse mon CBR asthmatique à la sortie du grand prix de France.”

“C’est Vale, l’homme qui file sa béquille à Uccio pour aller dédicacer mon Sport-Bikes au cul du paddock de Brno, de retour après sa fracture tibia-péroné. Moi j’en reviens d’une au fémur, et c’est ma femme qui retient au feu rouge le 500CB qui nous a amené. Nos premières vacances en bécane… C’est un rêve en rouge qui tourne à l’eau de boudin, un nac-nac sous un damier, un dernier tour de folie à Montmelo, 129 hymnes italien. C’est notre copain Marco, qui s’endort pour toujours, sur la piste de Sepang. C’est un come-back de folie, un bac à sable à Assen, c’est le feu, partout, partout, partout dans le monde. C’est Valentino Rossi, regarde ma fille, il a un numéro jaune, 46, un quatre et un six.”

Reportage Rossi part à la retraite, la fin d'une génération

“Ce sont les cloches de Tavullia qui ne sonnent plus depuis des mois, mais qu’importe, qu’importe… 27, le numéro de mon autre héro, Stoner. Mais ce 27 là est celui des 27 tours qui viennent de s’achever. Le damier est tombé sur la légende. Elodie et Stéphane, qui ont presque l’âge d’être nostalgique d’un Katana, en ont vu d’autres depuis leurs débuts, mais moi, c’est la première fois. Les tribunes sont en feu. On s’attend à quelque chose de grandiose, mais rien. On aurait aimé qu’il se passe un truc fou, on aurait même aimé qu’il le laisse gagner. Simplement, Rossi est venu communier avec son public devant nous, entouré par tous les autres pilotes. Quand il ressort de la foule venue lui porter l’accolade, la chaleur monte aux joues. La clameur ne baisse pas, les applaudissements ne faiblissent pas. Le ras de marée jaune s’est transformé en poumon, pompant inlassablement sa joie et sa tristesse, son adieu pour toujours. Et puis IL est remonté sur sa moto. IL a continué son chemin. Sans nous. Il ne restait dans ma main que la sienne, serrée serrée entre nos culs pour ne pas prendre trop de place. Moi jouant les bonhommes avec mes yeux tout secs, elle hochant la tête de ce oui entendu de l’aurevoir.”

“Voilà, mon amour nous sommes vieux. Nous faisons partie de la génération qui a vu rouler Valentino Rossi. On ne sait pas encore que le retour sera pénible, mais qu’importe ce qui tanne le cuir de nos culs, nous avons vu rouler Rossi. Dans les valons desséchés qui serpentent le long de la méditerranée, j’ai aimanté ce dimanche la Triumph pour qu’elle tire droit vers le nord. Elle emmène sans y penser une famille de sang et de cœur, dont la reine se tient contre moi, serrée. Au tiède dans mes vêtements d’hiver, la joie d y avoir été et la tristesse de l’avoir vécu s’entremêlent. Rossi qui s’en va, c’est 26 ans d’une vie qu’on n’a pas vu passer. Il a toujours été là, le même, aux coupes de cheveux près. Je viens de prendre un repère fixe, comme un avant ou un après Jésus-Christ… La comparaison est à chier quand même, j’en ris sous mon casque et lève les yeux vers le ciel. Il est clair ce soir, si clair qu’on aperçoit la lune alors que le soleil est toujours là. Une lune et un soleil, qui se reflètent sur nos casques.”

“Mélancolique, je revois ma jeunesse, et Rossi avec, disparaitre dans son tour d’honneur et le virage numéro 14. Le peuple jaune ne voulait pas quitter les tribunes, et le soleil c’était mis au travail pour réchauffer le tableau. Au loin, une silhouette en wheeling découpait l’horizon.

Et c’était la dernière fois.

Et c’était la dernière fois.

Et c’était la dernière fois…”

Morgan Govignon

Reportage Rossi part à la retraite, la fin d'une génération

LE DERNIER MOTOGP DE ROSSI EN PHOTOS

Par |Publié le : 11 janvier 2022|12 Commentaires|

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12 Commentaires

  1. Bob Mauranne 20 janvier 2022 à 18h02-Répondre

    Ha lala …. j’avais pas encore pu lire la nouvelle prose de Momo . Le pote , le présipote ^^ Toujours la belle phrase qui te plonge inévitablement en nostalgie et te fait t’identifier au récit . Il a le flair pour ça le Momo ! (et il a placé callipyge… j’ai noté )…

  2. Clamageran 12 janvier 2022 à 19h34-Répondre

    Nous y étions aussi…
    même jours
    même heures
    même tribune
    Même génération
    Même passion
    Même emotion ressentie
    Même frustration de cette fin ou il manquais quelque chose…
    Mais nous pourrons dire nous y étions aussi☺️
    Kalisto49 Inlove49 et Celinevr46

  3. LEVIEILS Stéphane 12 janvier 2022 à 17h54-Répondre

    Je t’adore !
    Trop beau ce récit.
    Tu as raison, nous avons vieilli d’un ce jour.
    À bientôt sur 2 de tes 4 roulages

  4. chenet 12 janvier 2022 à 11h17-Répondre

    BRAVO

  5. JEAN-MARIE ARNAUD 12 janvier 2022 à 9h32-Répondre

    Merci !

  6. Pepone 12 janvier 2022 à 8h51-Répondre

    Salut Momo, euh non pas toi, l’autre Momo. Merci pour ce que tu écris, comme d’habitude.

  7. Flo Jarousse 12 janvier 2022 à 7h21-Répondre

    Tellement, tellement … ce récit est puissant de réalité!
    Piquée au 46, par un papa et un oncle, mi prof mi debile de deux roues; j’ai suivi cet italien souriant .
    Valencia 2021 j’y étais, et c’était mon moment égoïste, d’errance de passerelles à ce siège réservé au dessus de son box, à la fin de ces 27 tours !! Ce silence de plomb, cette tribune jaune qui donne le ton, ces ingénieurs qui tombent, pleurent et ce silence! Cette chape de plomb qui te prend le bide, ces grands ( gros) costauds qui versent leurs larmes, cet italien troublant avec son sourire son fluo et les gosses de la moto 3 qui offrent leurs épaules à toute une équipe.
    Que d’émotions, de temps, et ce maillot 46 jaune qui sent encore mon acné qui m’a accompagné à Valencia.
    Un week-end magique, pour un pilote de génie.

  8. Antoine 11 janvier 2022 à 22h09-Répondre

    Putin c’est beau

  9. Patrick Allard 11 janvier 2022 à 20h35-Répondre

    Merci pour cette tranche de vie. J’ai suivi de loin ces années Rossi, jusqu’à ces toutes dernières années, parce que le fiston a mordu à la moto et maintenant à la piste. Cela fait remonter le souvenir de mon dernier grand prix en spectateur. J’étais dans la tribune, au dessus de la ligne d’arrivée. A chaque passage devant nous, il engendrait un tonnerre, on n’entendait même plus le 4 cylindre 2 temps. Il y avait le bruit des bottes qui tapaient la ferraille et peut être des coups sur la structure et un prénom. Le hasard m’avait placé au milieu de ses compatriotes bien réchauffés. C’était ma légende à moi aussi. Je m’étais levé tôt, ce matin là et question température, c’était pas terrible si ma mémoire ne me trompe pas, 150 bornes à se cailler, pelotonné derrière mon windjammer . Un Gp de France au Mans au mois d’avril, qu’elle idée. Il était en fin de carrière, mais c’est comme s’il allait gagner. Et avant de fouiller internet, je n’avais qu’un seul souvenir de la course même. Rien sur les autres courses, rien sur les classements, les drames, mais le seul prénom scandé à chaque tour, dès la sortie du raccordement lorsque le 7 passait : Barry ! blam blam blam Barry ! blam blam blam Barry. Vroammmmm…..

  10. RvDesrichard 11 janvier 2022 à 18h45-Répondre

    Belle plume, très belle plume je dirai même !!!

  11. Bob Kelso 11 janvier 2022 à 18h25-Répondre

    Merci.
    Super texte.
    Ça fait du bien d’y poser les yeux.
    Vivement le prochain !

  12. Peulen 11 janvier 2022 à 15h23-Répondre

    Bonjour,

    c’est un très beau résumé d’une “vie” de journaliste comme toi et de supporters comme nous, d’une couleur, d’un personnage qui à réussi à traverser les années sans vraiment se retourner sur les critiques, qui nous a piquer le corp à nous en faire des frissons, qui à déplus a certain et qui à été aduler par d’autres, c’est çà être un Héro.

    Grazié Vale, Merci Lolo …. Forza Kap2cap :-)

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