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ROAD TRIP – Les voyages de la communauté

CAP NORD ► BRUNO DE SÉRÉ ► PARTIE 2 ► Roadtrip Voyageurs

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CAP NORD ► BRUNO DE SÉRÉ ► PARTIE 2 ► Roadtrip Voyageurs

Distance : 6 924 KM

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Difficulté : 3/5

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Beauté des paysages : 3/5

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Budget : 6 500€

LE HASARD D’UNE RENCONTRE

Ceci est la deuxième partie du voyage en Norvège de Bruno de Séré. Pour tout savoir sur la préparation de son voyage, les étapes 1 à 10, ne rien rater de ses bons plans, lieux et pistes/routes à ne pas manquer, je te donne rendez-vous à la partie 1 de ce voyage en suivant ce lien: Norvège partie 1. En attendant, place à la suite de cette incroyable aventure qui va te conduire au point le plus septentrional (le plus au nord) d’Europe à travers des routes saisissantes et des paysages à couper le souffle !  

Illustration du voyage

POURQUOI JE VEUX T'EMMENER LÀ-BAS ?

La première fois où je suis allé en Norvège, c’était en 1994. Vingt-sept ans plus tard, j’ai toujours en moi ce sentiment vivace d’avoir vu des paysages bouleversants de beauté. C’était la première fois que j’avais été ému devant un paysage. Mon coup de foudre pour les pays nordiques a débuté à ce moment-là. À plusieurs reprises, j’ai visité les pays baltes et nordiques et, sans cesse, je me suis toujours émerveillé de la douceur de lumière drapée dans une incroyable rudesse quand l’hiver commence à mordre. Je suis épaté par la qualité de vie et le temps qui glisse comme nul par ailleurs. La Norvège est envoûtante. Entre mer et montagne, le charme opère incessamment. Il grave des images majestueuses et des souvenirs inoubliables. Ce voyage me permettra aussi d’aller jusqu’au Cap Nord. C’est un peu comme un rituel initiatique pour un motard. Être allé au cap Nord, c’est avoir fait quelque chose de particulier – avoir coché la case « fait ». C’est comme avoir parcouru la route 66 (enfin ce qu’il en reste) ou, pour l’alpiniste, avoir fait le Mont-Blanc ou encore doubler le Cap Horn pour un marin. Autant de symboles qui posent un jalon dans une vie, qui marquent l’accomplissement de quelque chose et le début d’autre chose. Ce voyage a aussi un autre objectif: découvrir le Svalbard. J’ai toujours été intéressé, en géographie, par la singularité des caps, des pointes et les limites terrestres. Ces endroits se distinguent, car ils marquent la fin du territoire de l’homme et nécessitent ingéniosité et innovation pour aller au-delà. Le Svalbard, c’est le point le plus septentrional habité de la planète. Certes, je ne serai jamais un Roald Amundsen, mais aller par 78° Nord, c’est côtoyer la limite dans l’extrême Nord et s’approcher à mille kilomètres du toit de notre terre. La Norvège est addictive et c’est peut-être pour cela que je souhaitais l’admirer à nouveau et prolonger cette dépendance affective. La Norvège c’est vouloir noyer mes yeux dans des paysages à la beauté indécente, apprécier l’automne naissant sous de hautes latitudes, goûter aux premières attaques du froid, musarder le long des fjords, vivre ! Aller en Norvège c’est peut-être simplement se laisser séduire.

EN CHIFFRES

Autre

32 jours de voyage du 05.09.2021 au 06.10.2021

Autre

28 jours sur le sol norvégien 4 jours au Svalbard

Camping

32 nuits d’hôtel dont 4 nuits en ferry

Autre

6.924 kilomètres de route

Ferry

2.136 kilomètres en ferry côtier (descente du Cap Nord à Bergen). soit 24 ferries (17 en Norvège, 2 au Svalbard, 1 Allemagne, 3 traversées maritimes, 1 retour en ferry côtier)

Carburant

443 litres de carburant consommés soit une empreinte carbone de 1020,45 kgde CO2 compensés dans un plan de reforestation

Moto

19 jours de roulage soit 90h23 en selle

LES SPOTS À NE PAS MANQUER

BON À SAVOIR

LE ROAD TRIP

SECTION 11 // JEKTVIK – SØRVÅGEN (LOFOTEN)

  • Distance : 218 KM

  • Difficulté : 1/5

  • ROUTE

  • La journée est plutôt courte. Elle me permettra d’achever la route côtière n°17. Un seul ferry, sur la route, est au programme avec des rotations fréquentes. Je peux donc prévoir un départ un peu plus tardif et savourer le paysage. En fin d’après-midi, j’embarquerai sur un ferry, à Bodø, pour arriver tard dans la soirée aux Lofoten.  

  • La route est majestueuse. Les couleurs d’automne sont ici bien installées. Les pics aux alentours et leur touche de nougatine, sur le dessus, donnent du sublime au paysage. Dans le Holandsfjorden, le glacier vient s’évanouir dans le Fjord. L’air doux et le temps sec rendent l’étape exceptionnelle. C’est un privilège d’admirer cette nature si pure et si exclusive. A cet instant, je pense à mes amis proches. Tendrement, j’enrubanne les délices du moment dans une douce pensée. Tel un baiser, je l’envoie dans le ciel, qu’elle puisse voler jusqu’à eux.  

  • A Knaplund, la conjonction du Skjerstadfjorden et du Saltfjorden forme un entonnoir ; 400 millions de mètres cube d’eau sont pris au piège en amont ou en aval au gré de la marée. Le flux d’eau fait naître des tourbillons, de gros bouillons et d’énormes malströms. C’est à la fois fascinant et inquiétant. Fascinant par la force et le spectacle procuré. Inquiétant par ce magnétisme qui peut vous happer, un chant de sirène qui vous perd. De cette ambivalence naît un spectacle hypnotique qui peut se contempler des heures.

  • A Bodø, le ferry est assez rempli. Trois motards deux Tchèques et un Suisse allemand, sont de la partie. Nous accrochons solidement nos motos au pont du navire. Les deux zigotos, norvégiens, rencontrés hier m’avaient conseillé de bien ficeler la moto, car la mer de Norvège à cet endroit peut être, un tantinet, agitée. Le ferry glisse sur la mer de Norvège. La nuit s’installe doucement. La lumière bleutée vient éteindre doucement le dessin des pics et rochers dentelés qui pointent à l’horizon. Le soleil, dans un dernier soubresaut, offre une tache orangée en ce jour mourant. Bientôt, nous ne serons qu’un point lumineux croisant dans un noir intégral.  

SECTION 12 // SØRVÅGEN – SVOLVÆR

  • Distance : 199 KM

  • Difficulté : 1/5

  • ROUTE

  • Cette journée va me permettre de traverser une partie des Lofoten pour rejoindre Svolvær. Le soleil au petit matin tapisse de sa lumière chaude ce bout de fjord où je me réveille. Les bateaux qui mouillent là et les petites maisons rouge brique baignent dans une atmosphère de sérénité. La journée sera exceptionnelle par sa lumière, ses bleus, sa visibilité et un soleil omniprésent.  

  • Avant de débuter la journée, il me faut trouver une solution pour mon sac de réservoir. Hier soir, en quittant le ferry, quand je clipse mon sac de réservoir, je coince la lanière qui actionne le mécanisme de libération. En bref, je ne peux plus enlever le sac du support de réservoir. Et si je ne peux plus l’enlever, je n’accède pas au réservoir. Donc, dans 300 kilomètres, l’aventure va s’arrêter ! Mes premières tentatives d’hier soir ont échoué. Un démontage par l’intérieur est impossible. Il me reste deux solutions : l’arrachement ou la ruse. Merci à KTM qui a la bonne idée de fournir, avec la moto, une trousse à outils digne de se nom. Finalement, avec une pince, j’arrive à crocheter la languette du mécanisme ; force et doigté me permettent de libérer le sac. Ouf !

  • Ma journée débute par un détour par le village de Å. Å se prononce « O », mais se place dans l’alphabet norvégien après le Z. La logique m’échappe un peu. Les Lofoten sont majestueuses. Les paysages des jours précédents étaient, certes, somptueux, mais les Lofoten mettent tout le monde d’accord. Les Lofoten, c’est belotte, rebelote et dix de der, surtout dans des conditions exceptionnelles comme aujourd’hui ! Les eaux cristallines tantôt vertes, turquoises ou indigo sont troublantes de beauté. Les couleurs d’automne qui se conjuguent avec la roche, les déroutantes plages de sable blanc, sont un festival de beauté. Les paysages sont extraordinaires. S’ajoute à ce feu d’artifice, des scènes qui rendent la journée savoureuse : la dextérité du souffleur de verre et ses belles créations, à Viktenveien, le campement de surfeurs sous tentes, qui attendent la vague, le golf dont les greens s’évanouissent dans la mer, la cavalière sur son cheval blanc, au piaffé, sur un sable immaculé ; tout aspire à la beauté. Les routes des Lofoten semblent plus fréquentées que celles des jours précédents. Je suis heureux de pouvoir profiter de ce spectacle étourdissant hors-saison.  

SECTION 13 // SVOLVÆR – SANDTORG

  • Distance : 332 KM

  • Difficulté : 1/5

  • FERRY

  • Aujourd’hui, dernier tour d’honneur dans les Lofoten pour basculer dans les Vesterålen. Pour célébrer l’équinoxe, la météo a revêtu ses habits de fête et tire dignement sa révérence à l’été qui va s’endormir. Le ciel pommelé du matin vire au bleu limpide à la mi-journée. Les couleurs resplendissantes de l’automne ajoutent du panache à la féérie du jour.  

  • Les îles Vesterålen, après les Lofoten, c’est comme la mignardise en fin de repas gastronomique. Une truffe au cacao accompagnée de son verre de porto Colheita. Des saveurs, qui enveloppent le bonheur avec grâce et délicatesse, estocade de joie, ultime sursaut de plaisir.  

  • 14ème ferry depuis mon arrivée en Norvège et j’accoste sur les Vesterålen. Les Vesterålen sont très différentes des Lofoten. Aux Lofoten, la montagne et la mer sont proches. Ici, l’espace prédomine, c’est plus aérien. Il y a un peu d’esprit islandais. Le regard peut porter loin sur la plaine, qui longe la mer, avant de toucher la montagne. Les dunes de sable, les plages de sable blanc offrent un contraste déroutant. L’eau cristalline oscille entre des tons verts et bleus qui donnent une allure élégante à la côte. Je m’enfonce de Myre jusqu’à Nyksund sur 15 kilomètres de « gravel road » et touche 69° Nord. Viktor est le « king » de la route : plus c’est compliqué, plus ma monture m’étonne. Tout se fait avec aisance. Nyksund, c’est le bout du monde. Malgré l’isolement, il y a une activité touristique, halieutique, et artistique. Certes, en ce lundi, c’est très désert, mais c’est déroutant d’être loin de tout et de découvrir une telle infrastructure.  

  • La baraka continue ; la météo a viré au remarquable. Il fait étrangement doux pour cette latitude à cette date. Les 13°C ambiants ressemblent à une température estivale. Tout devient un festival ; la symphonie du plaisir se conjugue à tous les temps. Plus j’avance et plus les couleurs d’automne sont soutenues. Les arbres se parent de dorure, le cuivré communie avec l’orangé, et le vermillon arbitre. J’ai parfois l’impression d’être en Suisse ou en Autriche, et d’oublier que je gravite dans des hautes latitudes. Les paysages provoquent une distorsion géographique déroutante. Je me suis répété 50 fois « c’est beau, c’est top, waouh, …. ». Tout va crescendo, tout devient un grand vertige orchestré par une nature captivante.  

  • La nuit vient de tomber. Une lune rousse et pleine vient de se lever au-dessus du fjord. Son reflet sur la mer est une danse où se mêlent le feu et l’eau ; Cupidon n’a qu’à se pencher pour cueillir les âmes romantiques bercées sur ce rivage ; moi, je vais suivre Morphée.  

SECTION 14 // SANDTORG – TROMSØ

  • Distance : 371 KM

  • Difficulté : 1/5

  • ROUTE

  • La peinture orange du bâtiment de ferme en bois, où je loge, qui fait partie du patrimoine norvégien, brille sous ce soleil encore bas à l’horizon. Un fort vent de sud rend ce matin tonifiant, mais le bleu limpide du ciel me rend joyeux. Aujourd’hui sera une journée de transition pour gagner Tromsø.  

  • Le réceptionniste m’indique que dans les parties ombragées, des plaques de verglas peuvent être présentes au matin. De plus, la neige qui vient de tomber sur les plus hauts sommets fait descendre les élans qui pourraient traverser la route. Ce matin, il fait 9°C. Je pense que la physique est la même sur toute la surface du globe et que l’eau gèle à 0°C, même ici. Le dahu aussi descend des montagnes ariégeoises, en dévers, à la neige venue. Mais j’ai apprécié les conseils et j’ai redoublé d’attention toute la journée c’est promis !  

  • Je décide, pour ce début de journée, d’emprunter la 825. Elle passe par Grovfjord et dessine une trajectoire plus au nord et plus directe que la route principale. Cela me permet surtout d’éviter, pendant de nombreux kilomètres, la très fréquentée E6 – dorsale routière de la Norvège. Le paysage sur cette 825 est très agréable. Je dois toutefois rejoindre la E6 pour l’emprunter durant une petite centaine de kilomètres. A la jonction de la 825 et de la E6, le panneau indique que Kirkenes est à 1055 kilomètres. Cela qui signifie que je suis à 1070 kilomètres de la frontière russe. Mon périple est encore loin d’être achevé. Les distances sont un élément crucial d’un voyage en Norvège. Pour mémoire, du sud de la Norvège jusqu’à l’extrême nord, par la route directe, via la côte, il faut parcourir 2700 kilomètres. De Narvik, qui est déjà au-delà du cercle arctique, il faut sensiblement 700 kilomètres pour atteindre le cap Nord.  

  • Si vous êtes un gros rouleur, l’aller-retour entre le sud de la Norvège et la cap Nord peut être bouclé en une semaine. C’est à mon sens déraisonnable de voyager dans un tel format. La Norvège est donc un paradoxe. Pour la visiter, il faut, d’une part, du temps, compte tenu des distances, de la diversité et de la beauté des paysages, et, d’autre part, comme tout est très cher, trouver le meilleur compromis entre coûts et temps. Sans compter que la météo peut compromettre les projets les plus optimistes. En outre, en fonction de là où vous habitez, l’addition totale peut sérieusement s’alourdir. J’ai une pensée, par exemple, pour le motard des Pouilles qui ourdit un projet de cap Nord.  

  • Plus je me rapproche de Tromsø et plus l’automne semble s’être flétri dans ce Grand Nord. Pour moi, la première phase du voyage s’achève ici à Tromsø. Demain, je vole vers le Svalbard. Sortie au restaurant dans le centre. Le serveur, niçois d’origine, a un prénom norvégien, Edwin, et officie à Tromsø. On n’échappe pas à son destin !  

SECTION 15 // SVALBARD

  • Distance : 0 KM

  • Difficulté : 1/5

  • vide

  • Avant de poursuive mon périple au Svalbard, je me dois d’évoquer la saga “chaussures”. Dans un élan de pragmatisme, le génie de la logistique qui dort en moi vient me souffler à l’oreille une brillante optimisation pour gagner de la place dans mes bagages. En effet, pour mettre au chaud mes arpions et crapahuter confortablement, je décide d’expédier mes chaussures de randonnée à l’hôtel, à Tromsø. Ainsi, j’ai moins de poids à transporter, je gagne de la place et surtout j’évite des manipulations quotidiennes pendant les 16 premiers jours de voyage pour enlever et remettre mes chaussures sur la moto. L’idée semble séduisante. Le 24 août, fier de mon idée, je fonce à la poste. Je me dis qu’un mois pour acheminer le paquet en dehors de l’Union est un délai confortable, même en période de Covid. J’informe l’hôtel qui n’a aucune objection à garder un paquet jusqu’à mon arrivée. Tu parles, Charles ! Je regarde la progression du colis grâce au tracking et rien ne bouge depuis le 3 septembre. Le colis est en douane à Oslo. Je me dis que 10 jours de quarantaine, pour un colis, en période de Covid, n’est pas délirant. Quand je suis aux Lofoten, l’hôtel m’informe que le paquet est coincé en douane. Je dois fournir la facture d’origine pour le dédouanement. Évidemment, je n’ai pas ladite facture. Qui garde la facture de ses chaussures de marche achetées il y a 8 ans? En plus, j’ai ajouté dans le colis une paire de chaussettes de marche (propres) dont je n’ai pas non plus la facture. Je rédige une facture pro forma qui devrait faire l’affaire. Le 17 septembre, le colis sort de la « douane à l’import ». Mon inaltérable optimisme me dit que, même avec le week-end, je devrais recevoir au plus tard mes pompes le 22 septembre, le jour du départ pour le Svalbard. Je te le donne dans le mille Émile, le 22, nada, niet, rien. J’irai crapahuter au Svalbard avec mes chaussures de trail. Ô toi génie de la logistique qui sommeille en moi, reste bien endormi; si je t’attrape au détour d’une idée lumineuse, tu vas te prendre un coup de pompe format 45, bien mérité dans l’arrière train!

  • Après cet épisode, qui malgré tout m’amuse et me sert de leçon pour mon futur voyage au Kazakhstan, je saute dans le taxi direction l’aéroport. Le taxiteur, cheveux filasse, coiffé à la dynamite, dentition aléatoire, lunettes rondes cerclées de fer et doté d’une bonne tête de psychopathe version serial killer comme dans une série américaine, sera mon chauffeur. Là, je me dis qu’une paire de bonnes chaussures, c’est utile ! J’aurais toujours pu aller à l’aéroport à pied, ce n’est pas si loin ! En plus, Tromsø a un côté souterrain : de grandes artères sont creusées dans la roche et parcourent la ville en sous-sol, avec ronds-points, entrées de parking troglodytes et autres fantaisies. Une fois à l’air libre, je repasse devant le spot de kitesurf en face l’aéroport. Il est désert aujourd’hui, car la mer est assez moutonnée par ce vent annoncé de force 8 à 9. Bilan : mon taxiteur n’a pas sorti la tronçonneuse pour me câliner. Mais à qui étaient les bagages qui restaient dans le coffre du taxi ? L’aéroport de Tromsø, ce n’est pas JFK ! Tout est à taille humaine. C’est très relax. Il y a une forme de convivialité. Il y a quand même un contrôle après le contrôle, car pour aller au Svalbard, on quitte la zone Schengen. Après 1h30 de vol, j’arrive au Svalbard.  

  • Le premier contact avec le Svalbard c’est l’arrivée à 78°15’ Nord et 15°30’ Est. C’est toit du monde. Je suis à seulement 1300 kilomètres du pôle Nord. Si vous regardez la carte ci-dessus, c’est loin. C’est l’archipel le plus septentrional avec une activité humaine et économique ‘classique’. L’autre aspect du Svalbard, c’est une austérité apparente. Ici, il n’y a pas d’arbre ou de verdure, les tons sont essentiellement dans les beige-marron. La côte et la montagne sont battues par le vent et le frima de l’hiver, c’est brut. Mais paradoxalement, c’est fascinant. On se sent invité et minuscule dans cet environnement. Comme disait Jacques Chirac « C’est loin, mais c’est beau ». Je saute dans un taxi, conduit par un Pakistanais, et je prends possession de mes appartements à Longyearbyen, « capitale » du Svalbard. La réceptionniste est brésilienne; on est loin de Copacabana, ma serveuse au restaurant est des Philippines. Le Svalbard est cosmopolite et ressemble au carrefour du monde. Belle chambre en angle, avec son quadruple vitrages. J’ai une vue panoramique sur la mer, la montagne et les glaciers. Premier tour pour découvrir la ville.  

  • Il y a un air de ville d’Alaska, de chercheurs d’or, et parfois, il y a un air de station de ski en fin de saison. Les scooters des neiges, garés pêle-mêle un peu partout, attendant la neige offrent un spectacle détonant. Les magasins sont aussi différents. Par exemple, dans le premier magasin de sport où je rentre, style Intersport, les rayons sont équilibrés entre articles de sport et armurerie. Ce ne sont pas juste deux ou trois pistolets à bouchon, accrochés au mur. C’est du très sérieux. Il y a assez de modèles, de munitions, et de lunettes de visée pour sniper tout ce qui bouge ici. Le Svalbard version Texas ou far-west, au choix. Au supermarché, le pictogramme à l’entrée est explicite : il est interdit d’entrer armé. Je passe à la poste, qui est la poste la plus au nord de la planète. J’achète des timbres afin de poster quelques cartes à mes amis. Là, c’est la surprise du chef ; je vais taire le prix du timbre par pudeur. J’espère que mes amis garderont la carte au moins rien que pour le timbre. Quelques photos, de-ci de-là, et ma journée est déjà bien avancée. Repas au restaurant de l’hôtel où l’éclairage est dispensé avec parcimonie.

  • 23 septembre, excursion à Barentsburg. L’excursion débute par 1 heure de bateau pour rejoindre Barentsburg depuis Longyearbyen. Le cockpit du capitaine et de la cheffe mécanicienne relève plus de l’aviation que de la marine. Par souci écologique, le bateau est à propulsion hybride. Je ne dis pas comment l’électricité est produite ici. Je ne souhaite pas m’attirer l’ire des ayatollahs de l’environnement. La visibilité est bonne et le temps très correct. Le paysage est séduisant. La guide nous indique que dans la zone où nous naviguons, les baleines viennent fréquemment se nourrir. Hélas, aujourd’hui, point de baleines. La côte, par endroits, me fait penser aux îles Féroé. La paroi de la montagne, qui vient se jeter dans mer, présente de profondes ravines comme de profondes griffures. De loin, on dirait des canines alignées, avec leurs racines, les unes à côté des autres. Sur tribord, ce sont trois glaciers qui, comme de gigantesques langues viennent plonger dans la mer.  

  • L’activité de Barentsburg est concentrée sur l’exploitation du charbon. L’exploitation s’effectue 24 heures sur 24, 6 jours sur 7. La société russe qui assure l’exploitation est aussi propriétaire de la ville. La situation administrative est particulièrement cocasse. Le territoire du Svalbard est administré par des Norvégiens. En revanche, à Barentsburg, la population est essentiellement russe. L’enseignement, à l’école, où 50 enfants sont scolarisés, est dispensé en russe. La guide qui assure la visiter est kazakhe. Elle a un contrat avec la société qui exploite la mine. La proposée à la poste est moscovite. Elle est contente de s’adresser pour la première fois depuis le début de la saison en français. Il y a aussi un hôpital. Comme le souligne la guide, tout le monde est très attentif à sa sécurité, car en cas de problème sérieux, il faut minimum 6 heures pour être exfiltré vers Tromsø. Durant l’ère soviétique, des serres et des élevages de poules avaient été mis en place pour assurer une autonomie sur le plan alimentaire. Aujourd’hui tout est importé depuis la « main land ». Je n’ai pas déterminé si elle parlait de la Russie ou de la Norvège. L’ambiguïté est bien entretenue.  

  • En vertu du traité du Svalbard, tous les pays signataires ont le droit d’avoir une présence sur le territoire pour autant qu’ils y exercent une activité. Actuellement, deux pays sont présents : la Norvège et la Russie. La Russie exploite la richesse en charbon, mais sous l’égide norvégienne dans le respect des us de l’exploitant, ce qui doit être assez compliqué en droit. Ici se côtoient deux mondes : celui de l’ère soviétique, et ses vestiges qui se décrépissent, et un monde moderne où industrie et tourisme coexistent. Étrangement, aujourd’hui, la plupart des touristes sont norvégiens.  

  • Sincèrement, j’avais une petite appréhension avant de faire la visite. Je pensais avoir signé pour l’activité « traine-couillon ». En fait, c’est une très belle visite. L’histoire de la ville, de la mine, des hommes, femmes et enfants qui y vivent est très intéressante. Sans oublier le spectacle de la nature qui est époustouflant. Magnifique journée. J’espère que la moisson de photos sera à la hauteur du plaisir que cette journée m’a procuré. Aujourd’hui, 24 septembre, visite d’une mine le matin et de l’ancienne ville soviétique Pyramiden, l’après-midi. Les visites s’organisent en fonction de la disponibilité des activités et de la météo. Programme du jour donc chargé, mais relax demain.  

  • La mine n°3 a arrêté son activité du jour au lendemain en 1996. Le gisement était épuisé. Tout est resté dans son « jus ». C’est un arrêt sur image. Des ateliers de maintenance, aux bureaux, au calendrier sur le mur, tout est de 96. Un temps suspendu. J’ai déjà visité des mines, comme celle de Blégny en Belgique. Il ne faut pas non plus avoir lu Germinal pour comprendre que les conditions de travail des mineurs sont éprouvantes. La guide insiste que le lien social entre hommes ou femmes mineurs était très fort. Cette dimension affective rendait le travail supportable ; des frères ou sœur d’armes. Cette mine avait la particularité d’exploiter des veines de charbon fines, d’environ 60cm de hauteur, et parallèles (droit dans la montagne). C’est-à-dire que l’extraction du filon s’effectuait à genou ou couché dans des chatières de 200 mètres de long. L’excavation se faisait par des allées centrales où circulaient des wagonnets. Le matériel de forage du mineur pesait un âne mort et devait être manipulé dans des conditions inconfortables. L’aspect géologique est aussi fascinant. Ce charbon, âgé d’environ 68 millions d’années, est le résultat de la dérive des continents et de la compression de forêt et d’humus tropicaux. Des fossiles et le reste d’anciennes plages parsèment aussi la mine. Cette plongée dans l’histoire de notre terre donne le tournis. La guide nous fait éteindre nos frontales et portables un instant. Nous sommes alors plongés dans le noir absolu pour vivre une expérience de cécité. C’est très déstabilisant dans cet univers sous-terrain.  

  • Après voir avancé sur plus de 800 mètres dans la montagne, se trouve l’entrée de « L’Arctic World Archive ». Ici, de manière comparable à la banque des graines (site qui ne se visite pas), sont stockées des archives physiques pour la postérité (des films, des microfiches). GitHub, l’ESA … et de grandes entreprises sont partenaires de cette initiative et utilisent ce site pour leurs archives. Étrangement, la Commission Européenne est absente comme partenaire de ce projet. Après une courte pause, je saute dans le navire pour me rendre à Pyramiden. Il faudra tout de-même trois heures de mer pour rejoindre le site.  

  • Dans un court bras du fjord, à une encablure de Pyramiden, dans le Billefjorden, se trouve un abri pour que les randonneurs puissent trouver refuge en cas d’intempéries et se protéger d’une présence d’ours un peu trop pesante. La guide nous indiquait, photo à l’appui, que, la semaine dernière, un ours polaire avait pris ses quartiers dans ce refuge. Vu la taille de l’ours, je me trouve très bien sur ce bateau. Ce bras de fjord est surplombé par une montagne ocre, marquée par de profondes ravines, plongeant dans une eau vert émeraude du plus bel effet.  

  • L’arrivée au pied du glacier, qui vient s’évanouir dans la mer, est un spectacle éblouissant de beauté. C’est d’abord un mur où la glace est torturée, fracturée, aiguisée comme des lames, et qui s’illumine de reflets bleus, turquoise, verts. Le départ d’un vieux gréement à trois mats, qui glisse parmi les growlers, donne une touche majestueuse au paysage. C’est la première fois que je vois un glacier se jeter dans la mer d’aussi près. J’ai déjà vu des glaciers se jeter dans des lacs, j’ai marché sur des glaciers mais pour moi cela a toujours été dans un environnement montagnard. Le contraste entre la mer et le glacier est étonnant ou du moins déconcertant.  

  • L’aspect animalier a aussi été riche. Sur la berge, des rennes sauvages, disséminés, paissent en paix. J’ai vu des souffles de baleines, mais, à part le jet de la respiration, le spectacle est un peu bref. L’albatros, au vol gracieux, est un curieux. Il vient très près du bateau pour nous accompagner. Il tourne ostensiblement la tête pour scruter et nous observer de son regard à la présence très énigmatique. D’un ton interrogateur, il semble dire « ô toi visiteur, quelle poésie amènes-tu pour troubler la quiétude de mon vol ? ». La visite de Pyramiden sera assurée par Igor, russe de son état et armé comme il se doit. A bord, il y avait aussi un groupe de jeunes randonneurs qui partait pour 4 jours d’exploration. Une jeune fille, norvégienne, âgée de tout juste 20 ans, avait aussi son fusil à lunette en bandoulière. Nous avons donc une puissance de feu suffisante pour repousser d’éventuelles velléités belliqueuses d’ours.  

  • La viste de Pyramiden est expédié en 1h30. Le programme est très encadré. Je vais dire qu’au rythme de la visite, “Asthmatiques abstenez-vous!”. Pyramiden est, en même temps, fascinante et glaçante (au sens figuré). Fascinante car tout un écosystème a été créé sous une latitude extrême (78,6°N). Mille personnes vivaient ici. Une agriculture a été recréée avec poules, vaches, cochons et des serres afin de vivre en autonomie. Une piscine de 25 mètres avec 2 mètres de fond et 4 couloirs d’eau a aussi été bâtie. L’extravagance a conduit le soviétique à faire la charpente de la piscine tout en bois travaillé, alors que ce matériau est précieux en arctique. C’est glaçant car c’est une ville semi-morte. 20 russes vivent ici pour « occuper le terrain » dans ces eaux géostratégiquement importantes. L’endroit semble hors nation, l’état de droit semble une notion abstraite ici. L’autre aspect singulier : tout se délabre. La visite, sans être dangereuse, se fait dans des conditions de sécurité qui ne seraient pas acceptées dans notre logique aseptisée et légiférée européenne. Ici, rien n’est entretenu depuis 98, faute de moyens. Seuls 4 bâtiments se visitent sur une cinquantaine, et pas plus d’une dizaine sont fonctionnels. Pyramiden est le témoin d’une idéologie révolue. Dans 20 ans, peut-être moins, l’essentiel de ce site ne sera qu’un tas de ruine. L’homme est venu ici pour asseoir, d’un part, son pouvoir énergétique et exploiter dans des conditions dantesques le charbon, et, d’autre part, marquer son autorité politique pour contrôler la route militaire et commerciale arctique entre l’Asie et l’Europe. En moins de 25 ans, l’éclat de l’étoile soviétique s’est fané et laisse derrière lui une terre convoitée. Du péril rouge, risquons-nous aujourd’hui la tarasque blanche ?  

  • Sur ce débat palpitant, qui sera animé par Jocelyne à la médiathèque de Piau-Engaly, le mois prochain, je retourne à l’hôtel après une journée très instructive et fantastique. Le Svalbard est surprenant et fascinant à qui sait ouvrir ses yeux au-delà de la simple activité touristique. Je quitte le Svalbard subjugué par une nature brute, fascinante et envoûtante. Un Svalbard à l’histoire étonnante et à son traité visionnaire qui en fait un laboratoire unique. Le Svalbard est dépaysant, désorientant, exclusif et unique. Revenir pour y faire un trek de quelques jours, dans la neige, et se laisser ensorceler par des aurores boréales est un projet qui devrait se réaliser avec bonheur.  

  • Retour à Tromsø, je retrouve Viktor qui est resté bien sage dans le parking de l’hôtel. Je vais me restaurer au Biffhuset Skarven. Je pensais poursuivre ma subsistance dans le sillage des produits de la mer. Étrangement, je me laisse aller pour un steak. Ma première pièce de viande depuis mon départ du Luxembourg. C’est absolument délicieux. Le tout est arrosé d’un petit vin rouge des Pyrénées orientales qui s’assortit à merveille. Ce restaurant est absolument épatant.  

SECTION 16 // TROMSØ – ALTA

  • Distance : 289 KM

  • Difficulté : 2/5

  • ROUTE ET PISTE

  • Pour qualifier ma journée, j’ai envie de lancer une bordée de jurons, façon capitaine Haddock, afin d’exprimer ma joie. Je serai donc sobre, je vais me contenter d’un « Quelle putain de belle journée !». Commençons par la saga chaussure qui se poursuit. Elles ne sont toujours pas arrivées. J’ai encore une chance de les récupérer quand je redescends vers Bergen en bateau dans 4 jours. Le suspens court toujours.  

  • La météo vire à l’insolence. Quand j’avais préparé mon plan de route, je pensais qu’en cette fin septembre, la route jusqu’au Cap Nord allait être effectuée dans des conditions musclées. J’avais, par précaution, coupé cette étape en deux jours et préparé un mon équipement pour rouler dans des conditions hivernales. Je m’étais imaginé en galérien de la route, bravant la tempête de neige et fendant le froid. Une étape musclée où il aurait fallu montrer les pectoraux et bomber le torse pour affronter l’hiver. Un épisode héroïque parfait pour un carnet de voyage. Insolence, que dis-je un camouflet, une outrecuidance à la bonne logique. J’ai eu 20°C au maximum de la journée, le tout baigné dans bleu total. Dernier coup de butoir de jours d’été perdus dans ce Grand Nord. Superbe pied de nez à l’hiver qui va bientôt frapper à la porte. Je jubile de pouvoir profiter de cette incroyable bulle météo. Les paysages sont exacerbés de beauté dans cette partition estivale qui sera jouée du début à la fin de la journée. Ce jour est aussi un feu d’artifice, un pétard de couleurs, cascades, ruisseaux, fjord … toute la panoplie norvégienne est déclinée. Le beau épouse le sublime sans limite – c’est l’euphorie sous mon casque.  

  • Au dernier moment, je décide d’emprunter la route 91 qui me fait prendre deux ferries, mais rend mon trajet plus court pour rejoindre Alta. Cette merveilleuse intuition va permettre que l’incroyable rejoigne l’improbable. Je ne suis pas très bercé par les réseaux sociaux, pas de tweet, pas d’Instagram, pas de Facebook, ni Snapchat, ni TikTok ou autres distractions numériques. En revanche, je regarde sur YouTube deux chaînes Lolo Cochet, évidement, BigTitou et épisodiquement XTG Family et basta. BigTou fut quasiment un accident. Pour le contexte, BigTitou, un couple de Français (Éric et Sylvie) qui voyagent en Explorer (camion aménagé en camping-car). BigTitou a attiré mon attention car ils passaient en Andorre, très près de mes racines natales, et allaient en Norvège. Au détour d’une de leur vidéo, ils avaient rencontré, en Norvège, les « Bela Velo ». Des cyclotouristes belges (Aurélie (24) et Eline (25)) originaires respectivement de Limal et de Namur. Elles sont parties de Belgique il y a trois mois et rejoignent le Cap Nord. J’avais trouvé ce projet fascinant et autrement plus émérite que mon cabotage.  

  • Je poursuis ma route vers Alta dans un paysage d’une beauté renversante. L’heure avance et le soleil, toujours aussi présent, semble continuellement raser l’horizon. Je décide de faire une pause à 100 kilomètres d’Alta, à la première station-service venue. Une pause-café me permettra d’entretenir la dynamique joyeuse et positive de la journée. Au moment d’entrer dans la station, au loin, dans un parking face à un fjord, je remarque un Explorer que je trouve de belle facture. Je décide d’aller voir. J’aime les Explorer. Plus je me rapproche du véhicule, plus ce dernier me semble familier. La plaque est française, la couleur correspond, incroyable : BigTitou est là devant moi. Sylvie et Éric viennent à ma rencontre, me proposent un café. Nous parlons plus d’une heure. BigTitou, c’est l’harmonie, la bienveillance, deux belles âmes remplies de lumière. Quelle situation improbable que de faire concorder deux histoires ici, en Norvège ; « Small World » !

  • Après cette journée hallucinante, par la météo, les rencontres improbables et des paysages à couper le souffle, j’arrive à Alta. Quand j’avais choisi mon logement (Trasti & Trine), je savais que mon logis était coquet. L’hôtel ressemble un peu à un petit village de Hobbits. Différents bâtiments composent le lieu. Chacun à une fonction, boulangerie, théâtre, boutique, fumoir où l’on mange en cercle autour d’un feu central, serre, hôtel et restaurant. Le détour par le chenil de chiens de traîneaux est impressionnant et les jeunes chiots sont d’un « choupinet » attendrissant. Le tout est blotti dans une forêt de sapins et bouleaux. Mon repas, pris au restaurant est un bonheur gastronomique. C’est phénoménal : une très grande table. Tous les produits sont collectés de la forêt ou viennent d’une production biologique personnelle ou très locale. Bordel ! Quelle journée de dingue !  

SECTION 17 // ALTA – CAP NORD – HONNINGSVÅG

  • Distance : 296 KM

  • Difficulté : 2/5

  • ROUTE ET PISTE

  • Je me réveille, encore un peu dans les rêves gastronomiques de la veille et sous le charme étourdissant de la journée d’hier. Le petit-déjeuner est un délice. Dehors, une lumière tamisée traverse les feuilles des bouleaux et donne une atmosphère de paix. J’étire le temps dans cet endroit authentique où je me sens bien. L’étape du jour me conduira au Cap Nord.  

  • La météo est encore mon alliée. C’est une aubaine de voyager sous ce soleil et 15°C bien établis. Je ne peux m’empêcher de penser à l’écart entre le scénario que j’avais échafaudé lors de la préparation du voyage, et pour lequel je m’étais préparé, et la réalité du jour. Une cinquantaine de kilomètres après Alta, je passe un petit col et là, le choc. Le paysage change radicalement. Je suis sur un plateau, la lande s’étend à perte de vue, le regard butte sur de légers reliefs très lointains. Tout est noyé dans un marron légèrement cuivré, tel des fougères à l’automne. Toute cette terre est le domaine de troupeaux de rennes. J’en distingue un qui dévale une colline pour rejoindre le val. Le vent est par moment fort tempétueux et je roule sur l’angle en permanence. Certaines bourrasques, plus violentes, rendent mes trajectoires un peu aléatoires. Au détour d’un petit lac planent des aigles pêcheurs ; l’envergure de ces rois des airs et impressionnante. Difficile de les photographier car l’animal n’est pas très sociable. J’imagine cette lande au cœur de l’hiver, dans une obscurité totale. Un sentiment d’hostilité m’envahit. Dès que la route regagne le bord de mer, les habitations refleurissent ainsi que l’activité économique, agricole ou de pêche.

  • A partir d’Honningsvåg, la route pour se rendre au Cap Nord est un ruban d’asphalte qui serpente entre lande et mer. Sous un ciel bleu comme aujourd’hui, le spectacle est merveilleux. Un kilomètre avant d’arriver, et après avoir fait 5275 kilomètres, je suis envahi par la joie et l’émotion. J’ai fait le Cap Nord. Certes, ce n’est pas une épreuve absolue, mais le symbole est fort. Juste avant d’arriver sur le site, je vois une guérite avec une barrière et, à ma droite, une ligne dégagée qui va jusqu’au bâtiment principal. J’esquive la guérite en pensant qu’en cette fin de saison la régulation du parking n’est plus d’actualité. Je vais au pied du bâtiment et par une manœuvre de flibustier, je me faufile jusqu’au pied du monument qui symbolise le Cap Nord. Il s’agit d’un globe en métal peint en noir. Je fais une rapide photo pour immortaliser l’instant. Peu importe si ce bout de terre est oui ou non le plus septentrional du continent européen (Le Cap Nord est sur une île en fait)! Je suis fier de moi ! C’est alors qu’une préposée descend du bâtiment principal pour m’indiquer que a) j’ai zappé le contrôle parking et b) il est strictement interdit de circuler devant le globe. Une fois que la photo a été prise, “Cause toujours Berthe!”. Par correction, je vais me garer sur ledit parking. La visibilité, du haut de cette falaise, permet de voir jusqu’aux falaises blanches au nord de Kjøllefjord. Merveilleux moment d’être là. Devant moi, le pôle Nord, c’est vertigineux de penser que, sous cette cloche arctique, rien n’a arrêté l’air que je respire.  

  • En revanche, pour les infrastructures, l’exploitant des lieux frôle le racket. Il faut 26€, pour entrer dans le bâtiment principal ; c’est abuser. Si vous restez dehors, c’est gratuit : quelle magnanimité. Ce grand bleu, ces 15°C, la belle visibilité et mon plaisir qui est au comble pardonne, aujourd’hui, ce minable mercantilisme. Je regagne Honningsvåg pour une courte nuit. Demain à 5h, je devrai me réveiller pour embarquer à 6h et cruiser jusqu’à Bergen pour entamer ma descente vers le Luxembourg.  

SECTION 18 // HONNINGSVÅG – BERGEN – FERRY CÔTIER

  • Distance : 0 KM

  • Difficulté : 1/5

  • vide

  • Honningsvåg, 4h45, l’aube se distingue à peine. Je m’équipe pour rejoindre le ferry. Tous mes gestes sont pénibles, je dors debout. Je pensais que l’électrochoc avec le froid matinal allait me réveiller, nenni, il fait 8°C ! Bonne idée d’avoir reconnu la route hier soir pour savoir où j’embarquais. L’hôtel est à 500 mètres de l’embarcadère. J’y vais comme un robot. La ville est plus que calme, je suis seul. 5H30 je suis prêt à embarquer ; le départ est prévu à 6H et pas de bateau à l’horizon. Trois voitures, et deux jeunes de la région lyonnaise, constituent le bataillon prêt à embarquer. Un Norvégien du cru m’informe que le ferry aura 30 minutes de retard. Je hais le pignouf qui m’a volé 30 minutes de mon sommeil. En discutant avec lui, je demande si les mois dans la nuit intégrale ne sont pas trop pénibles – il me répond avec un grand sourire “Tu sais ici on est tous naît en Septembre”.  

  • Je prends possession de mes quartiers pour les 4 prochains jours. De vraies vacances en perspectives, en mode roue libre. Je n’aime pas les croisières sur ces cathédrales de fer qui croisent sur les mers. En revanche, j’aime le ferry, le porte-conteneurs, le bateau utilitaire comme ce PolarLys qui sillonne la Norvège du sud au nord. Le navire est de taille raisonnable. Pour cette rotation, les touristes, matures, à bord sont assez clairsemés. Le lever de soleil sur la mer est toujours un spectacle d’une beauté enivrante. J’ai une sincère préférence pour les levers de soleil. La matinée sera dédiée à récupérer de la fatigue accumulée. Comme Pénélope, je vais détricoter tout le chemin que j’ai fait de Bergen vers le Cap Nord. Comme disait ma grand-mère « Faire et défaire c’est toujours faire ! ».  

  • 13h51, au cap 228, le Sikorsky S92A – LN-OIE – arrive droit en approche à 106 nœuds. Manœuvre d’approche sur le navire et il reste en vol stationnaire au-dessus de nous à 14 noeuds. C’est un exercice de sécurité grandeur nature avec hélitreuillage et canot à la mer. Le spectacle n’est pas commun et surtout il est impressionnant. Aujourd’hui, les conditions dans ce chenal sont calmes : soleil, ciel bleu, température clémente, c’est du billard ! Je pense que cet exercice peut devenir plus viril dans d’autres conditions. Le ferry fait ses arrêts tout au long de la journée. J’aurai 26 arrêts entre Honningsvåg et Bergen, une sorte d’omnibus marin. C’est la valse des Clarks et son lot de manutention pour charger et décharger le fret. Le paysage est superbe vu de mer. Le ferry offre une autre facette, une autre perspective. Au petit matin, la brume semblait posée sur la mer et se confondre avec l’horizon, donnant l’illusion de voir la banquise. En fin d’après-midi, la chaude et belle lumière de cette journée caresse les fjords. Un sentiment de calme, une ambiance apaisante : simple et beau. Pitrerie de la journée, je vais faire trempette dans le jacuzzi à la poupe du navire. La vue est sublime, l’instant est un soupçon provocateur mais c’est bon de contraster ces vacances entre la rencontre, pure, entre moto et nature, et cette facétie de bobo.  

  • Jour 2 de navigation. J’ai dormi comme un loir. Je lève le store de la cabine, et là, devant mes yeux, là, le jet d’eau du lac Léman. Je suis à Genève ! Le capitaine a sérieusement forcé l’allure dans la nuit ! Je réquisitionne les deux neurones de passage et sort de mon délire. Le Norvégien à Harstad est un comique. Il a érigé un très honorable jet d’eau au milieu de la baie. L’effet est réussi, ça a du panache Monseigneur ! Toutefois, c’est déroutant pour le touriste « helvétophile » comme moi. Petite mise en jambe sur le pont supérieur pour un réveil musculaire. Ce matin est baigné dans un beau bleu, une température douce, un vrai délice. À la proue du navire, bien alignés comme des oignons, 4 photographes, appareil posé sur l’abdomen, comparent visiblement la taille de leurs zooms (focale). J’imagine la même scène avec 4 nudistes qui contemplent les vagues, l’un pourrait lancer « belle pièce cher ami ! ». La scène m’amuse. Toujours au-delà du cercle arctique, nous nous enfonçons sous un beau soleil dans le sud. À Sortland, je passe, en bateau, sous le pont où j’étais passé dessus, en moto, je suis sens dessus dessous. À partir d’ici, et jusqu’à Trondheim, je vais essentiellement longer la côte que j’ai faite en moto. C’est amusant de reconnaître, depuis le pont supérieur du bateau, les lieux déjà traversés. Cela donne le sentiment d’être un familier des lieux, sans donner l’impression de « déjà vu ».  

  • Le ferry fait un détour par le Trollfjord. Nous nous faufilons dans une faille étroite. Il n’y a pas plus de 10 mètres entre la paroi et le bord du navire. Pilotage chirurgical aussi précis que faire passer le fil dans le chas de l’aiguille. L’arrivée dans le Trollfjord est digne d’un péplum. Le soleil a jeté des paillettes de lumière dorées sur ce bout de terre, pour le rendre encore plus délicieux. J’imagine des vols de séraphins précédant notre sillage pour annoncer notre arrivée triomphale. Mouettes et aigles pêcheurs crient de joie. J’entends tambours et trompettes qui résonnent dans ce cirque montagneux surplombé par ses hautes falaises. Les couleurs d’automne, les cascades, la neige sur les hauteurs, sont la foule qui acclament notre entrée magistrale, tels de glorieux conquérants ayant bravés le Nord. Puis, le navire se transforme en ballerine et exécute des cercles dans l’eau pour saluer cette nature exceptionnelle. Nous repartons sans rien avoir conquis, mais juste été éblouis.  

  • Jour 3, Pénélope poursuit son œuvre de « détricotage ». Nous nous enfonçons inexorablement dans le sud. La température est toujours aussi douce et le ciel toujours aussi azuré. Le matin, nous brisons le cercle arctique. J’aurai passé 14 jours et 15 heures au-delà de cette ligne imaginaire. À la mi-journée, le vent forcit nettement et le ciel se couvre un peu. Faire le tour de la coursive devient un exercice très sportif. La fin de la journée est plus calme. A Brønnøysund, nous sommes à mi-chemin entre le nord et le sud du pays. Une routine apaisante s’installe à bord. La journée s’évanouit lentement et je contemple le coucher du soleil. Un plaisir facile qui ne se refuse pas.  

  • Jour 4, la température est toujours aussi douce, la lumière orangée du matin me met d’humeur joyeuse. Profiter de l’air du matin, sur la passerelle, est un ravissement quotidien. La routine estivale s’installe et les occupations varient entre repos, farniente et photos. Kristiansund, à ne pas confondre avec Kristiansand, s’offre sous la lumière feutrée du soir. Un charme particulier enveloppe la ville. Le bien être semble se reposer ici. Au gré des arrêts, je trouve que les docks, comme les aéroports et les gares, captent des instants de bonheur, de joie. À l’arrivée ou au départ, de la poignée de main à l’accolade, de la bise au sourire, des yeux rougis d’émotion ou aux larmes qui roulent sur les joues, les émotions se déclinent à l’infini. Certains vivent l’émotion, d’autres traversent les lieux sans y avoir droit. Spectateur anonyme ou témoin d’un monde aimant, ces instants sont beaux.  

  • Jour 5 : 8h, la luminosité habituelle semble partie. Il fait sombre. L’habituel éclat aigue-marine du matin est resté sous d’autres latitudes. Dehors, le vent est fort. Durant la nuit, pendant une heure, nous avons essuyé une barre de vagues qui a bien fait jouer le navire au cheval à bascule. La pluie, le gris, l’air tempétueux nous accompagnent toute la matinée. Tout le monde reste blotti à l’intérieur et attend de débarquer. Deux heures avant d’atteindre Bergen, la magie opère à nouveau. Le beau temps fait une percée qui m’accompagnera jusque dans la soirée. L’entrée dans Bergen est un beau moment ; le chenal est parsemé de petits ilots. Juchées sur les hauteurs, des maisons cossues dominent la mer. La lumière chaude et rasante donne de le flamboyance au paysage. A mon départ d’Honningsvåg, j’ai laissé les manutentionnaires attacher Viktor. Ils connaissent leur métier et les contraintes de la traversée. Je dois avouer que le travail a été très soigné. Je pense que le préposé qui a été impliqué dans l’arrimage de Viktor a fait “boucherie première année avec spécialisation bardage de rôtis” ou alors a beaucoup trop admiré les photographies de Nobuyoshi Araki. Le souci du détail a été de mettre des serviettes sur tous les points de contact entre des éléments de la carrosserie et les sangles.  

  • L’idée de prendre le ferry pour redescendre du cap Nord a été un choix très judicieux. Le choix du ferry côtier offre plusieurs atouts. Premièrement en termes de temps. Entre une descente du Cap Nord à Bergen par la route ou le ferry, l’écart est minime. Sur le plan budget : les éléments hôtels, nourriture, pneus, essence, mis bout à bout l’écart sera marginal notamment par rapport au confort offert (pas d’itinérance). L’aspect fatigue et risque plaide aussi pour le ferry. En outre, quelles que soient les conditions météo, les 4 jours passés sur le ferry seront un moment de vrai repos. Si le ferry n’est pas une habitude, c’est l’opportunité d’apprécier et de savourer le temps lent. Enfin, le ferry permet de voir aussi les paysages norvégiens sous un angle unique. Pour toutes ces raisons, et pour l’avoir expérimenté, il me semble que dans un format de voyage d’aller au Cap Nord, le retour par le ferry est l’option optimale. En outre, la table au ferry est très bonne (j’ai pris l’option petit déjeuner et dîner). Ce fut d’ailleurs une très belle surprise de ce voyage. L’idée de monter en ferry et de redescendre par la route me paraît incongrue. Petit tour dans Bergen et festin de « king crab » qui achèvera noblement ce périple norvégien. Demain j’entamerai la descente vers Kristiansund puis le Danemark.  

SECTION 19 // BERGEN – KRISTIANSAND

  • Distance : 449 KM

  • Difficulté : 2/5

  • ROUTE ET PISTE

  • 8h15, départ de Bergen, il fait 13°C, il pleut. Je ne vais pas me plaindre compte tenu des journées exceptionnelles que j’ai collectionnées depuis le début de l’épopée. Bien à l’abri des intempéries sous mon équipement, le confort est royal même sous la pluie. Sur mon GPS, j’ai un outil météorologique que j’apprécie particulièrement. Ce dernier affiche, en surimpression sur la carte, l’évolution des masses pluvieuses ou neigeuses. Je l’utilise assez fréquemment pour esquiver la pluie ou patienter afin de laisser passer un gros coup de tabac. Aujourd’hui, le ciel de traîne se décompose en une succession de lignes de front qui se déplacent vers le nord-est. Je dois donc les traverser successivement jusqu’à Stavanger (mi-chemin). Le schéma est simple : entre les lignes, il fait beau, dans la ligne c’est la douche. La stratégie du jour est simple « on fonce dans le tas ! ».  

  • Après 5 jours sans avoir roulé, quitter Bergen, un lundi matin, à l’heure de pointe, c’est un choc ! Je m’étais habitué au trafic clairsemé, à l’espace, à avoir une route quasi pour moi seul, et là, d’un coup, c’est l’overdose. Ce n’est pas une transition, c’est le big bang! J’emprunte les deux derniers ferries continentaux du voyage. J’aurai utilisé 17 ferries en Norvège. Pour ces dernières traversées, Viktor sera solidement arrimé afin d’éviter de faire des cabrioles. Certes, ce ne sont pas des mers déchaînées, mais ces traversées furent animées.  

  • Pour ma descente sur Kristiansand, je m’étais fait un canevas de route assez simple qui consistait à emprunter la E39. J’ai pour habitude d’agrémenter ma route de pointes, cols ou autres pitreries qui me plaisent. C’est un peu comme en gastronomie élémentaire. Prenons le cas des œufs au plat, c’est simple et délicieux. Ajoutons une pincée de noix de muscade, une bonne tranche de lard bien juteux, quelques copeaux de truffe pour relever le goût, et une belle tranche de pain de campagne, et nous passons de bon à succulent. Selon moi, le tourisme à moto c’est pareil. Il faut prendre une bonne base, et, au gré du marché du jour, l’améliorer en fonction de son inspiration et de sa créativité.  

  • Pendant la première traversée, j’estime qu’en passant par la 545 la route est plus courte. Lumineuse inspiration. Cette route est un délice. J’essuie une belle averse, mais le reste de cette route se savourera au sec. La palette des couleurs d’automne ne s’est pas déployée ici ; les feuilles sont encore assez vertes. Des ruisseaux qui dévalent la colline pour se jeter dans le fjord, aux maisons colorées qui baignent dans l’eau, tout est magnifique. Voilà, je viens d’ajouter à ma route une pincée de noix de muscade et de faire rissoler la tranche de lard.  

  • À Stavanger, je décide de m’éloigner de la E39 et de longer la côte au plus près. Deuxième intuition lumineuse de la journée. À Stavanger, la météo devient à nouveau magnifique. J’évite tout de même, pendant mon ravitaillement, une petite averse de grêle. Je descends le long de la 44 et FV44. Là, sur 100 kilomètres, c’est un concentré de ce que la Norvège du sud offre de plus beau. C’est du Mozart. Pour aller à Kristiansand ou Bergen c’est un « must ». Des plages battues par les vagues et le vent, aux fermes qui plongent dans la mer, des praires ovines ou bovines à fleur de mer, c’est spectaculaire. Fjords, lacs et cascades se succèdent. Des cols, des virages à gogo, c’est une farandole, que dis-je un festival. Les copeaux de truffe choient en flocons – la messe est dite : « dégustez » .  

  • Norvège, ô Norvège, tu es une femme dont la beauté est au paroxysme de son art. Chaque courbe, chaque galbe, chaque pointe relève de l’art. Tu illumines, tu irradies. L’astre solaire ne se pose pas sur toi, il glisse, il te caresse. Tu embellis le beau pour élever la nature au rang du sublime. Ta côte maritime est une naïade allongée. La route côtière caresse longuement ce corps qui s’étend du sud au nord. L’interstice entre tes orteils est des fjords que j’aime chatouiller. Le cambré de tes reins des baies, des plages où les vagues y viennent s’échouer de plaisir. Chez toi tout est frisson, ce fessier sculptural comme tes massifs montagneux. Poitrine ferme érigée vers les cieux, je me blottis en son creux pour y contempler tes aurores boréales, ton cosmétique, ta coquetterie. Norvège, tu fais saliver de plaisir. Tu es un festin érotique, une symphonie de beauté, une farandole d’émotions. Ô Norvège, on n’admire pas ta beauté, on jouit dans ta beauté.  

SECTION 20 // KRISTIANSAND (NO) – HIRTSHALS (DK) – WARWERORT (D)

  • Distance : 496 KM

  • Difficulté : 2/5

  • ROUTE ET PISTE

  • Départ à 8h30 de Kristiansand pour le Danemark (Hirtshals). Je me suis réveillé quasi chaque heure dans la nuit. Je ne voulais pas rater le ferry. J’ai pourtant un billet flexible et une horloge biologique interne bien réglée, mais cette fois ça ne fonctionne pas. Je me réveille donc chiffonné. Dix minutes avant de monter à bord, la brigade douanière débarque. Inspection au hasard et contrôle des documents pour la majorité des véhicules. La plus gradée, au gabarit comparable au mien, affublée, de ses deux barrettes et deux étoiles, s’approche de moi et engage la causette. Mazette, j’ai les honneurs de la haute hiérarchie! J’ai droit à une avalanche de questions, la déformation professionnelle, lui fait répéter des questions pour s’assurer de la cohérence du discours. Je lui fais ma tirade amoureuse sur la Norvège. Elle a le regard qui brille. Bilan des courses, pas de contrôle pour ma pomme et, en plus, j’ai un sourire. L’embarquement devient une routine, j’attache Viktor et je vais sur le pont. Je regarde une dernière fois la côte norvégienne s’éloigner. Ces vacances furent merveilleuses. Les 3 heures de traversée passeront rapidement, j’ai dormi la moitié du temps.  

  • Vous connaissez la théorie des « œufs aux plats » bis repetita. J’avale 3 heures d’autoroute et utilise la sixième vitesse qui n’avait plus servi depuis plus d’un mois. Rouler à 130 km/h sur l’autoroute me donne l’impression d’être un délinquant, après avoir plafonné à 80km/h pendant quasi un mois. L’épisode autoroute me suffit. Je bifurque vers l’ouest. La luminosité y est meilleure, à tel point qu’il y fait soleil. Je découvre deux villes charmantes : Tondern au Danemark, et Husum, une espèce de nano Bergen, en Allemagne. C’est mignon.  

  • Traverser le bocage danois est apaisant. Le bout de côte allemande que je parcours en fin de journée me fait penser à la Zélande. La terre est protégée par une haute digue dont le sommet est emprunté par les cyclistes et les piétons. La route est située au pied de la dune. On ne voit pas la mer depuis la route. Depuis que j’ai passé la frontière allemande, l’urbanisation, le trafic, tout est plus dense. Tout semble plus nerveux. En 24 heures, entre la route côtière 44 en Norvège, et cette fin de journée, la comparaison est rude. Je suis à mi-chemin et fais une halte avant une ultime étape qui me conduira au Luxembourg.  

SECTION 21 // WARWERORT (D) – LUXEMBOURG

  • Distance : 665 KM

  • Difficulté : 2/5

  • ROUTE ET PISTE

  • Le soleil se hisse doucement au-dessus de la lande. Une lumière cuivrée se dissipe lentement et rase le sol. Les moutons, au loin, paissent en paix dans un vert éclatant. Je pousse ma route jusqu’au sommet de la digue pour admirer le paysage. La baie de l’Elbe se noie entre la mer du Nord et le fleuve : l’instant est beau et paisible.  

  • Pour cette dernière journée, j’ai trouvé une fantaisie. Prendre le ferry pour traverse l’Elbe. Pas l’île ! le fleuve! J’ajouterai donc un ferry à ma collection. Avant d’arriver à Brunsbüttel où j’embarque, je traverse des champs d’éoliennes dont le nombre dépasse l’entendement. J’avais mis la zone portuaire dans mon GPS comme destination. Hélas, pas de ferry ici. Les indications pour rejoindre l’embarcadère pour Cuxhaven sont très discrètes. Le ferry est situé en dehors de la ville. Rapide demi-tour et me voilà prêt à embarquer.  

  • L’entrée de l’Elbe draine tout le trafic vers le port de Hambourg. Il y a beaucoup de navires. Ce ne sont pas de petites barques. D’énormes porte-conteneurs, des méthaniers et des vraquiers croisent à foison. Nous coupons le trafic pour traverser. L’approximation n’est pas de mise. Par temps de brouillard, le capitaine doit transpirer à grosses gouttes pour zigzaguer entre les lignes. Une heure et quart plus tard, j’accoste à Cuxhaven. Cette ultime traversée signe la fin des épisodes maritimes de mon aventure.  

  • La chance insolente que j’ai eue avec la météo a tourné. Les choses se gâtent sérieusement. A Münster, un mur d’eau se dresse sur l’autoroute. Je vais me faire sérieusement rincer jusqu’à Cologne. Par moment, la visibilité est très faible, le trafic ralentit souvent brutalement, la situation est par moment tendue. Quand je pense qu’il fait meilleur au Cap Nord qu’ici. Je suis bien protégé et fais preuve de résilience et de patience. Dernier point : mon train de pneu qui était ma préoccupation depuis Bergen, car un peu à l’agonie. Il a finalement tenu jusqu’au bout. Un miracle, car je pensais sincèrement m’arrêter à Brême pour le remplacer. Finalement, les conditions épouvantables, pluie et température, que j’ai essuyées à partir de Münster ont tourné à mon avantage en soulageant les contraintes sur mes pneus.  

  • J’arrive à Luxembourg, avant 20 heures, très heureux d’avoir fait ce voyage. Je jubile sous mon casque, d’être allé jusqu’au Cap Nord en passant par le Svalbard. Merci belle Norvège de me rendre comblé de bonheur.  

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