Choum tout le monde descend

Choum, pas vraiment une gare, pas vraiment un bled. Et pas vraiment d’intérêt non plus si ce n’est d’être … un point de délivrance !

Délivrance

Délivrance si tu es venu par la piste depuis Boulenouar. 400 kilomètres sans essence dans un sable avide de puissance, de couple et d’énergie fossile. Délivrance car, si tu es là, à Choum, ça veut dire que tu n’est pas tombé en panne. À ce sujet, il y a désormais, à Choum, deux vraies pompes (t’attends pas non plus à une station d’autoroute avec self) pour le gasoil mais l’essence, elle, se fait toujours au bidon. S’il y en a!

Poncé de la tête aux pieds

Délivrance aussi, si comme moi, tu es venu par le train. J’ai eu beau m’enfermer dans mon duvet, ma cagoule, mon masque de cross, rien n’y a fait. Je suis couvert de minerai de fer et de sable. Toutes mes affaires semblent poncées au grain fin. Mon iPhone, mes micros attirent toute cette poussière de fer sans pouvoir m’en défaire. Il est 6 heures du mat, le jour va bientôt pointer le bout de son nez. Il nous reste encore trois bonnes heures de rail à 80 km/h maxi, nous arrêtant de temps en temps sur des by pass, pour laisser passer les convois venant en sens inverse.

Respire

Je replie mon duvet, remets mes bottes, ma veste et mon pantalon maculés de poussière, je grimpe sur les caisses de poisson pour prendre de la hauteur, et je me mets face au vent pour profiter de tout ce qui m’entoure. Dans une brume diffuse, je peine à deviner Ben Amira, l’un des plus grands monolithes au monde. Mais il est bien là. Je reconnais à peu près tous les semblants de villages où nous nous sommes arrêtés pour trouver de l’essence avec nos Transalp. En vain. Au gré des très rares virages, j’essaie de repérer au loin, la tête du train, puis la queue en me retournant. 2,5 kilomètres de wagons, ça en fait une sacrée chenille!

Clandé

Choum n’est plus très loin. Ma délivrance non plus … mais délivrance d’une prison dorée, car ce trajet en train fut pour moi mythique. Unique, inoubliable, en compagnie de tous ces clandestins qui l’empruntent pour voyager gratuitement jusqu’à Zouerate.

Mes gaillards sont là

Anxieux, je guette si de solides gaillards pointent bien leur nez pour m’aider à passer l’AG100 par dessus bord. Oui ils sont là. Même manip qu’à l’aller. On fait faire une pirouette à ma cacahouète, laquelle se retrouve enfin sur la terre ferme et sur sa béquille. Droite, gauche, je n’ai qu’à choisir puisqu’il y en a une de chaque côté. Seulement, je sais aussi ce que cette manip veut dire. Toute l’essence est descendue dans le bas moteur et je vais devoir défaire la bougie, kicker dans le vide pour faire évaporer tout ça. Remettre la bougie et démarrer enfin après un quart d’heure d’effort.

Avec mon AG100 en panne, je suis un mec normal

Personne ne prête attention à moi, pas plus qu’à mes problèmes. Sans doute qu’ici, un mec en panne c’est un mec normal. Je prends la route d’Atar, vent de face. Encore ! Et me fais vite rattraper par quelques camionnettes de transport de personnes qui filent vers Atar. Dans les montées avec virages, je leur mets la pile. Dans les descentes aussi. Faut dire que mon AG100 ne freine pas. En revanche, sur les plats et les faux plats, elles me ramarrent et me collent la pression.

Course poursuite

J’essaie de tenir un rythme digne quand au loin, j’aperçois une immense langue de sable qui vient recouvrir la route. Je vais quand même pas passer en première les deux pieds à terre !!!! Gaz ! Droite, gauche, droite, gauche, mon AG 100 fait une embardée de trop et je me bourre comme une merde sous les roues de la camionnette que je vois piler à deux mètres de moi dans une grande gerbe de sable.

Faut rester zen

Le chauffeur jaillit de son poste de pilotage, non pas pour m’aider, mais pour aller ouvrir la porte latérale et faire sortir plein de monde pour relever mon AG100. Ho les mecs, c’est pas une Gold Wing non plus! Je m’époussette, un poil vexé, et demande au chauffeur de ne pas me suivre de si près ! Mauvaise foi, quand tu nous tiens … mais bon, faut bien que ce soit la faute de quelqu’un non ?

Ici rien ne bouge

Atar pointe le bout de son nez. Peu de choses ont changé depuis 2019. Ha si, au rond point central, le resto de Aziz n’est plus là. Il a déménagé 100 mètres plus haut pour laisser place à une petite supérette. Un petit poulet frittes chez Aziz (les classiques ça rassure toujours) et je file chez Abdou, un guide, qui habite à 100 mètres de l’auberge Bab Sahara. Abdou m’accueille comme un prince. À l’africaine mais comme un prince. Repas pris à pleine main, toilettes turques sans papier (ne pas se tromper de main !) et dodo sur des nattes.

Exit le poids superflu

Oui, je me suis assuré les services d’un guide sinon je fais comment pour les trouver les belles pistes et te donner tout ça après sur mon site ? J’ai les traces, on se retrouve le soir pour bivouaquer. Lever 8h. Je décharge ma moto d’un max de choses pour ne garder que de quoi réparer une crevaison avant (je suis en bib mousse à l’arrière), de l’essence en rab, 6 litres d’eau et de quoi poser un bivouac. Une vraie fille légère désormais. Sortie de Atar en direction de Nouakchott pendant environ 80 kilomètres. Autant la fiche n’est quasiment plus présente au Maroc, autant elle m’est demandée à chaque poste de contrôle de police ici, en Mauritanie.

Gratitude

Au km 85, une piste à peine marquée sur ma gauche. Je m’arrête vérifier la tension de mes sangles et dégonfle le pneu avant. Mon AG100 a décidé de me faire honneur et tient carrément un bon 70 sur les pistes rapides. Dans les pistes de sable profond, je tombe la trois et le faible poids de l’équipage (et la qualité du pilote;-) font le reste ! Quel kif. Honnêtement, je ne pensais pas qu’elle allait si bien se débrouiller sur ces pistes qui ressemblent trait pour trait à celles de l’africa eco race.

Profiter pleinement

Mieux, sur l’africa eco race, en Mauritanie, j’ai plusieurs fois regretté de ne pas pouvoir m’arrêter pour profiter. Là, qu’est ce qui me presse ? Rien. Sur une piste soudainement devenue rocailleuse et trialisante, j’aperçois un petit village. La trace n’est pas très simple à suivre, de jeunes filles sortent de leur maison pour me l’indiquer. Elles me proposent un thé. J’accepte. Dans une sorte de case qui semble être celle où le village se regroupe parfois, tout le monde me rejoint. Jeunes, moins jeunes et enfants.

Le jeu classique mais ici, ça a son charme.

On prépare le thé et on me présente tout l’artisanat local. Bien sûr que j’avais compris à l’avance. Mais si tu viens là pour échapper à tout ça, bah vaut mieux rester chez toi. Je fais mine de m’intéresser fortement à un collier tout en n’y touchant pas. Je commence à négocier le prix, en laissant planer le doute sur mon intention. Le prix baisse, on tombe d’accord, on peut célébrer tout ça à grand renfort de thé.

Amères

Les filles sont presque toutes mariées mais leurs hommes sont tous au travail. Répartis à des centaines de kilomètres de là. Nouakchott, ou encore Nouadhibou comme pêcheur sur les chalutiers chinois qui partent 8 mois en mer. Elles en rient mais semblent quand même bien amères. Je laisse volontairement le silence s’installer dans cette pièce aux murs bleu berbère somptueusement patinés. Un silence qui ne dure pas longtemps car les femmes se remettent vite en route. Ici, il ne se passe rien et pourtant, elles parlent, elles parlent, elles parlent. Sans fin. Entre elles. D’une voix monocorde qui se laisse déviner aucune émotion, joie, colère, tristesse ou autre. Seuls de petits bruits de bouche viennent régulièrement ponctuer les échanges. Comme pour encore mieux les affirmer quelque chose.

Direction Azoueiga

Faut que je reparte, mes guides m’attendent à la grande dune d’Azoueiga. Je commence à comprendre que ça ne vas être si simple. La piste circule dans de profondes ornières de sable chaud. L’AG100 tire la langue. Je suis parfois obligé de descendre pour pousser. Même si le mieux reste encore de s’asseoir à l’arrière du porte paquets pour essayer de retrouver un peu de grip. Si le pneu arrière le trouve (le grip), l’AG100 repart comme un élastique trop tendu. C’est là qu’il ne faut pas se rater (la boîte accroche un peu parfois) pour passer la deux et prendre du régime.

La bien nommée

Au loin, la grande dune d’Azoueiga porte bien son nom. Avec ses 200 mètres de haut, elle surplombe l’erg Amatlich, un océan de courbes s’étirant sur 400 kilomètres vers l’Atlantique. Voilà, ça c’est le désert. Je veux pas faire de comparaison mais c’est vrai que les dunes de Merzouga ou de Chegaga font un peu figure de bac à sable à côté. Si tu as le courage de monter jusqu’en haut pour observer ce point de vue, je pense que tu comprendras mieux … mon point de vue! Ce soir, bivouac au pied d’un palmier dans un silence lunaire pour ne pas dire dunaire !

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DAKAR EN YAMAHA AG100

Par |Publié le : 25 février 2024|3 Commentaires|

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3 Commentaires

  1. Dubois 3 avril 2024 à 14h28-Répondre

    Quelle aventure incroyable ! Ce récit de voyage en moto jusqu’à Choum et au-delà, à travers les sables et les paysages mauritaniens est très honnêtement captivant !

  2. Bruno Friedmann 25 février 2024 à 18h27-Répondre

    Encore un magnifique épisode,, un récit qui tient la piste :-) et quelles somptueuses photos.

  3. Francesco 25 février 2024 à 18h04-Répondre

    Merci Laurent pour tous ces voyages que tu nous fais partager, merci pour ton humanité et ton humour.
    Du coup j’envoie un peu d’sous, c’est juste normal.

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