PARIS – DAKOEUR EN 100 CM 3 – ÉPISODE 6

Toi, tu m’imagines sur ma mob en train d’abattre des kilomètres mais moi, pendant ce temps, je t’observe et je te vois. Oui je te vois. Je te vois sourire (voire te moquer) lorsqu’hier, je t’ai annoncé que j’allais franchir les dunes de Merzouga avec mon Tagazou. Tiens c’est bien simple, je crois même que je peux sortir une étude sur l’état d’esprit de la population française et sur son niveau de confiance pour l’avenir. Le tout gratis, pour rien. Tiens, je la file à Ifop s’ils veulent. Car lorsque j’ai publié ma casse d’amortisseur sur Facebook, j’ai eu 165 commentaires.

A la grosse, je te dirais qu’il y a eu 55% de défaitistes face à 45% d’optimistes. Les commentaires du genre: « 2 fémurs de chameau, 4 ficelles et c’est reparti / le début de l’aventure / courage »  se sont opposés à de moins joyeux « t’as pas fini de changer de la pièce / ce n’est qu’un début, désolé d’être un oiseau de mauvais augure / trop chargé ». Parfois même, le « bizarre, c’est fait pour transporter un mouton la AG 100 ? » s’est retrouvé pile à côté du « c’est pas fait pour ». Le pire étant un « c’était sûr! »

Oh, les gars ! La patate, l’envie, le challenge, la détermination, vous connaissez ? Tu crois sérieusement qu’au début de l’aéropostale, Saint Ex, il était sûr de rejoindre Cap Juby puis Dakar (oui je sais il a fini par se cracher). Tu crois sincèrement qu’en allant au cap Nord avec des pneus cloutés, j’étais sûr de mon coup? Qu’en traversant la Russie en Ducati, je savais où j’allais ? Que finalement, le mieux est de ne faire que des trucs dont on est sûr et certain. Sérieux ? Alors, du fond du coeur, je remercie les optimistes.

Les plus défaitistes ne manqueront pas de me dire que ça va encore casser. Et alors ? Je compose le numéro d’Europe Assistance? Je pleure au téléphone. Je me fais rapatrier et je me pose dans mon canapé en invoquant le pas de chance. Non, je file sur Dakar à la rencontre d’Emmanuelle Marie qui a besoin de nous tous. Mais avant ça, moi, je veux traverser Merzouga avec ma Yamaha AG100. Oui encore une de mes lubies pour laquelle, je vais me prendre une petite salve de « n’importe quoi ».

Pas grave, j’y vais. Non sans avoir quand même débarrassé ma mob de tous ses bagages, ne conservant qu’une réserve d’eau de 5 litres, une autre de 3 litres d’essence, une boîte de thon sauce tomate (chacun ses dernières volontés), des démonte pneus si je crève de l’avant (je me suis aperçu à la fin de ma boucle que j’avais oublié de prendre la pompe !!!), mon envie, ma détermination et mes rêves.

Dur dur

Je ne te cache pas que j’en ai bavé. Je ne te cache pas que grimper ça avec une KTM 450 Rally comme sur l’Africa Eco Race n’a rien à voir avec l’exercice que j’ai découvert avec les 9 chevaux et 110 kilos de mon AG 100. Avec une moto qui watte, tu grimpes léger de travers jusqu’à la crête, sur la puissance, tu coupes au dernier moment et tu redescends en mettant les roues bien dans le sens de la pente.

Une heure pour 8 kilomètres

Là, j’ai beau avoir dégonflé l’avant, j’en bave grave d’autant qu’il m’est impossible de passer ne serait-ce que la 3, faute de puissance. Alors je lève le nez et j’observe. La seule solution consiste à repérer toutes les dunes dont le sommet comporte un côté assez arrondi pour y surfer le plus longtemps possible.  lNe plonger dans les grands creux et le sable mou qu’en cas d’extrême nécessité et si l’élan permet éventuellement d’envisager rejoindre une dune arrondie. L’exercice est super fin. J’ai mis une bonne heure pour faire 8 kilomètres et rejoindre un campement à l’est des dunes. 8 kilomètres à prendre et reprendre mon élan. Tiens, je te montre en photo le suivi de ma trace GPS, tu comprendras mieux. En attendant, toi qui rêve de franchir les dunes de Merzouga, je te laisserai sur mon site la trace au sud de Merzouga (du côté de la Grande Dune justement) qui permet de ne pas affronter les hautes dunes tout en se faisant plaisir sans y rester. Sinon, tu as aussi plein de pistes bien ensablées qui en font le tour mais sans dune. Avec un maxi trail, ça peut être une option plus raisonnable.

Le whisky berbère

Arrivé au Mustapha Camp, l’une des plus de 300 auberges que doit aujourd’hui compter l’erg, j’ai partagé un « whisky berbère », le thé sucré quoi. Est arrivé un espagnol avec une grosse Yam 450WRF venu ici passer quelques jours dans le sable. Gentiment, le gars m’a confié être venu chargé d’une 250 et d’une 450 dans son fourgon. Que la 250 refusait de monter alors qu’avec la 450, c’était un bonheur. Là, je lui ai montre mon AG100 et ma trace GPS, il a eu l’air étonné. Tu vois, c’est ça l’idée. Lui, il avait le choix entre une 250 et 450. Moi, je n’ai pas le choix donc je fais avec. Ou sans watts, c’est comme tu veux. Mais avec envie et motivation.

Quelle santé

J’ai kické et je suis reparti vers la veille ville fantôme de Merzouga aujourd’hui quasiment abandonnée pour aller jeter un oeil, un peu plus en hauteur, aux anciennes mines de plomb, de quartz et de khôl autrefois exploitées par les français. Des trous béants plongeant au coeur de la roche et dont on ne devine absolument pas le fond. Certains sont encore exploités par des mineurs marocains. J’ai zoomé sur Osmand et repéré une piste qui faisait le tour de l’Erg Chebbi en remontant vers le nord. Un truc que j’ai déjà du prendre plusieurs fois, soit en Transalp, soit sur l’Africa Eco Race, et j’ai roulé. Franchement, après tout ce que je viens de traverser, j’ai été surpris de voir le moteur chanter si allègrement et se montrer si vaillant.

Méfiance quand même

Faut juste que je fasse gaffe à un truc. Le niveau d’huile du graissage séparé. Et pour cause, il n’y a pas de témoin au tableau de bord lorsque celui-ci approche pourtant du niveau min, synonyme de serrage si je ne refais pas le plein. Alors désormais, lorsque je fais le plein, je note chaque kilométrage en me fixant une mise à niveau tous les 500 kilomètres maxi. Demain, direction l’Ouest car il me reste quelques 2.000 kilomètres avant de pouvoir rejoindre la frontière mauritanienne. Comme je ne suis pas que débile, je vais prendre les petites routes jusque vers Agadir avant de replonger dans des pistes.

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