Pendant que notre Lolo vadrouille de circuit en circuit, que Momo Govignon se remet de ses émotions sahariennes, moi j’enchaîne les balades printanières. Cette fois, je suis parti pour l’exotique vallée de Chevreuse afin de découvrir la Royal Enfield Scram 411.
Pourquoi ? Parce que le trail indien a la réputation d’être rustique et une bonne mule pour rouler sur des routes défoncées. Alors, en faire un scrambler semble une idée suffisamment saugrenue pour s’y intéresser.
Comprendre ce qu’est l’Himalayan
Saviez-vous que le trail Himalayan n’était pas destiné aux marchés européens ? Royal Enfield voulait proposer à son marché indien une moto plus adaptée et “confortable”, pour ceux qui s’amusaient à grimper le Khardung La pass sur des Bullet 500. Vous savez, la route la plus haute du monde qui culmine à 5300 m …
Voyant ce trail exotique, délicieusement rétro, les Européens se disent qu’il y a un coup à faire, en pleine mode du trail. Après un petit « lobbying » de Londres et des importateurs, un gros travail pour adapter la moto aux critères de qualité européens et une mise aux normes anti-pollution, Chennai a décidé d’exporter le trail vers le vieux continent. Une bonne idée, puisqu’il s’en est vendu plus de 800 en France, soit 25 % des véhicules de Royal Enfield dans le pays. Pas mal pour une mule de montagne destinée à en prendre plein la gueule.
L’Ovni venu du sous-continent indien est devenu le symbole d’une moto qui retourne aux sources : simplicité, rusticité et prix pas cher ! Pas de puissance, pas d’électronique, pas de bling, que du bonheur pour ceux qui se sont ennamourachés de cet esprit désuet.
Ce trail est aussi un OVNI chez Royal Enfield. Seule moto sans passé, c’est aussi le seul trail dans l’histoire de la marque anglo-indienne. Enfin, c’est un OVNI pour le marché indien. Sur les millions de 2-roues vendus chaque année, la grande majorité sont des cylindrées inférieures à 150 cm³. Du coup, 411 cm³, c’est une grosse cylindrée en Inde et une petite cylindrée chez nous.
Du trail au scrambler, il n’y a qu’un Scram !
Pragmatiques, et un peu poussés au cul par les Européens qui ont compris que l’Himalayan plaisait aux citadins, les gars de Royal Enfield ont donc décidé de décliner le trail pour continuer à vendre et rentabiliser cette moto. Voici donc le scrambler.
Attention, je vous préviens, les changements sont drastiques, voir impressionnants : une roue de 19 pouces au lieu de 21, un débattement de suspensions qui passe de 200 à 190 mm, une hauteur de selle de qui perd 5 mm et passe à 795 mm. Et un poids qui descend à 185 kg à sec au lieu de 199 kg. Radical !
La perte de poids vient surtout de la disparition des crash-bars et de la bulle. Le Scram a travaillé son style pour attirer un public plus jeune, plus urbain, bref, plus branché, limite parisien. Beurk ? Non ! La moto a de la gueule, avec ce phare avant rond caréné, cette selle en une seule pièce. Royal Enfield joue la couleur, mais par petite touche sur les “pad” latéraux, en laissant le gris dominé.
Une moto bien finie dans l’ensemble, pour un look scrambler réussi. La moto est même modernisée, avec un compte-tour revu, plus lisible, qui comprend un petit LCD riche en informations : trips, odomètre, jauge essence, rapport engagé et modes de conduite… non je déconne !
Scrambler des villes
“Hey les mecs, on va faire un scrambler pour qu’elle soit plus urbaine !”. Ils sont fous chez Royal Enfield ! Le scrambler est une moto de route que des motards hippies des sixties ont décidé d’adapter à leurs pratiques off-road, pour pouvoir s’ébattre librement dans la nature, en mettant du gros gaz. On perçoit plus logiquement une Bonneville avec des tétines, qu’un trail rabaissé. Royal Enfield était à 2-doigts de réinventer le supermotard en mettant des pneus slicks.
En réalité, la marque répond à une vraie demande des utilisateurs de scrambler et trails qui ne quittent que rarement le bitume, le périphérique et la ville, mais qui ne veulent toujours pas renoncer à leur esprit de liberté et d’évasion. La roue de 19 pouces offre donc un meilleur comportement en ville et rend la moto plus réactive pour se faufiler entre les voitures. Le monocylindre longue course, est suffisamment doux et souple à bas régime, pour accepter la conduite urbaine et rester en 3e à 50 km/h.
La Scram est aussi facile que l’Himalayan, les commandes sont douces et précises. La boite de vitesse ne cache aucun faux point mort, l’embrayage est souple, la moto est difficile à faire caler. Il faut juste avoir de grandes mains pour les leviers qui ne sont pas réglables. Les petits gabarits seront à l’aise, grâce à une selle toujours fine et un centre de gravité bas, merci le monocylindre longue course.
Voilà une moto qui sera parfaite pour survivre à l’enfer du quotidien en ville, sans s’énerver, en restant aussi cool que Steve McQueen en train de faire un demi-tour ou de se garer en épis. D’autant que la sonorité reste discrète et plutôt agréable, tout comme les vibrations qui ne vous donneront pas de fourmis dans les mains.
Scrambler des champs
C’est là où l’on parle du manque de puissance. 411 cm3 qui développent 24,5 ch à 6 500 tr/min pour une vitesse de pointe de 120 km/h avec vent dans le dos. Oui, ça se traine, mais la Scram n’est pas faite pour rouler vite. Vous fuirez les autoroutes, ce sera l’aventure de la découverte du réseau secondaire. De toute façon, lâché à pleine vitesse, le frein avant constitué simple disque 300 mm étriers 2 pistons sera en souffrance. Plutôt mou du genou et sans vrai mordant, il ne faut pas lui demander de sortir de son rôle de frein pour mec cool qui se traine.
De toute façon, c’est toute la moto qui se conduit sans forcer, tout en souplesse. Parfait pour les débutants qui veulent y aller tranquille au début. Le monocylindre trouvera son bonheur dans les mi-régimes, vers 3-4 000 tr/min, là où les 32 Nm de couple se cachent. Au-dessus, le moteur va forcer et s’essouffler passé les 6 000 tr/min en 5e, alors prenez le temps de savourer la balade et de compter les coquelicots.
Les suspensions à grand débattement sont molles, mais la vitesse de pointe raisonnable ne permettra pas de les prendre à défaut. À la rigueur, la moto vivra un peu dans les virages en bougeant, mais la tenue de route ne sera pas altérée et le comportement général de la machine est sain. Ces suspensions apporteront même du confort en absorbant les aspérités de la route ou d’écraser les écureuils.
Scrambler sale ?
J’espère que vous appréciez sur cette photo ma technique chèrement acquise à l’Enduro Park. Oui, je suis encore raide…
Le petit scrambler semble avoir suffisamment de cœur pour se salir les pneus mixtes dans la terre. Le guidon est large, mais reste un peu bas pour mon mètre 82 quand je me mets debout. Vous pouvez dégager les caoutchoucs des reposes-pied pour plus de grip. Le débattement de 180 mm des suspensions et le sabot moteur invitent à jouer les casses-cou dans les chemins, mais il faudra faire attention, la biellette de suspension arrière semble bien basse et bien exposée en cas de grosse pierre dans la gueule.
Le monocylindre, toujours lui, tractera quel que soit le terrain, tout en douceur, sans forcer, en proposant ses 32 Nm de couple à qui en voudra. Plus petite mule qu’enduro, la Scram est aussi à l’aise que l’Himalayan pour les balades champêtres et son centre de gravité, un poil plus bas, lui rend service. Il serait marrant de comparer les deux d’ailleurs.
On a presque envie de lui remettre les crash-bars de l’Himalayan. D’ailleurs, vous pourrez piquer toutes les options de vos potes en Hima’, y compris les pare-mains, le rigidificateur de guidon, les crash-bars donc, mais aussi les valises. Vous pourrez virer les poignées passager, pour mettre de vraies fixations et un porte-paquet digne de ce nom.
Il est temps de conclure
Pour faire simple : le scram, c’est l’alternative la plus redoutable à la Ducati Multistrada V4. En tout cas son exact opposé. Et pourtant, l’idée est la même : le plaisir de rouler.
Pour 4999 euros, voilà une jolie petite moto pas chère, rustique et sympa. Sans être un foudre de guerre, elle fera le bonheur des citadins qui soignent leur look, des motards qui aiment les plaisirs désuets de la moto, ou ceux qui ont un petit budget. Elle sera un utilitaire convaincant pour la ville au quotidien ou une parfaite 2e/3e/4e moto dans le garage pour la balade.
Avec le Scram, vous redécouvrirez un plaisir perdu, celui de voyager loin en ménageant sa monture. Avec 3,1 L / 100 km et un réservoir de 15 L, vous avalerez du bitume sans réfléchir et sans vous fatiguer. C’est un coup à voir la balade du weekend se transformer en tour du monde de 2 ans.
Tiens, cela serait sympa un road trip qui se traîne, histoire de vérifier si la petite Scram peut retourner sur l’Himalaya(n).
Cet article a été écrit par Julien Muntzer: “Journaliste depuis 2010, j’ai d’abord été reporter pour France24 et TV5Monde avec beaucoup de voyages en Afrique. Mais comme je suis un peu farfelu et surtout obsédé par la moto depuis gosse, j’ai décidé de remonter en selle à la trentaine. La moto, c’est le fil rouge idéal pour vivre et raconter de belles histoires, en en prenant plein la gueule”.
Bel article, pour une machine de “monsieur tout le monde” à un prix raisonnable
Bonjour,
cela fait toujours plaisir de lire “aussi” des essais sur des “petits prix” qui restent aussi des machines plaisir, dans se monde ou la course a la puissance est lancée et les photographes en bords de routes de plus en plus présent, il reste encore des petit machine qui nous donnerons l’envie de nous lancer dans une aventure, ou de compléter un garage, histoire de compléter la “boite à outils” ;-)