Pendant que Momo découvrait les joies du Rallye-Raid au Maroc, moi je suis parti apprendre les bases du tout-terrain avec BMW à l’Enduro Park. Il en a de la chance, Lolo, d’être entouré de gars aussi dévoués pour Kap2cap !

L’expérience off-road façon BMW Motorrad ?

Suis-je tombé dans un piège marketing tendu par Gunther à Munich ? BMW Motorrad veut faire de la GS plus qu’une moto, une « expérience » comme ils disent. Peut-être ont-ils peur de leur image de moto pour dentiste de Neuilly qui ne fait que du périphérique avec sa prétendue baroudeuse. 

Sauf que BMW ne rigole pas avec cette idée et construit depuis des années une vraie culture “off-road”. La formation des instructeurs au sein de la BMW Motorrad Academy est devenue une véritable référence, les centres off-road existent dans plusieurs pays et le GS Trophy est une référence, voir le Saint-Graal de l’aventurier en maxi trail.

Je me retrouve donc, en journaliste pourri gâté, à essayer la “Box expérience enduro park”. Deux jours d’initiation dans un vignoble à rouler en BMW ? Je me dis que je vais me retrouver avec des quinquagénaires en mal d’aventures, des patrons de PME en costard venus faire semblant de se salir, plus concernés par la dégustation du soir que par la moto. 

Les premières blagues grivoises vont vite me rassurer. Un motard reste un motard ! Certains participants dorment dans leur camionnette, personne ne fait de chichi, tout le monde se donne à fond, avec un grand sourire malgré les chutes et l’envie sincère d’apprendre transpire autant que les pilotes. Le soir, lors de la dégustation de la production du domaine, j’ai plus l’impression d’être avec une bande de potes, qu’en séminaire avec le comité de direction.

Comme un air de GS Trophy

L’Enduro Park, avant d’être une boîte cadeau, c’est un lieu de culture. Sur les 900 ha, on y cultive la vigne, mais aussi la pratique de l’off-road à haut-niveau. Un terrain de jeu exceptionnel, qui monte, descend, des pistes rugueuses de pierres qui serpente dans la garrigue. C’est le terrain d’entrainement des teams de rallye-raid, de WRC, ou encore des prétendants aux GS Trophy, venus préparer les qualifications France ou encore des bleu bites comme moi venu faire leurs premiers pas. 

Cette année encore, le château de Lastours accueillera, début octobre, les 15 meilleurs enduristes pour la finale. Les 3 élus, représenteront la France pour l’édition 2022 en Albanie. Pas de pression ! « Dès le weekend prochain, on leur a préparé un stage commando sur 2 jours, pour créer de la cohésion et les pousser un peu. On va les réveiller en pleine nuit pour rouler, ce genre de choses ! », raconte Sébastien, un instructeur. Je regarde les patchs sur sa veste et découvre que cet agriculteur à mi-temps, a été préparateur de l’équipe de France du GS Trophy et Marshall sur plusieurs éditions. 

C’est marrant, mais la gueule de Sébastien me dit quelque chose. Je mène l’enquête et découvre que Sebastien est trop sympa pour être honnête. Mon indic anonyme, un certain Lolo C. , ne va pas par 4 chemin« Surtout ne lui fais pas confiance  ! Il préfère faire caca dans les bois plutôt que soutenir son équipe au GS Trophy ! », la preuve vidéo est incriminante et sans appel, au GS Trophy il n’y a pas que des héros, il y a aussi des constipés. Je vous ai calé le moment incriminant. De rien Sébastien !

Avec tout ça, je commence à cogiter, leurs histoires me titillent et en même temps je stresse un peu. Où ai-je mis les pieds ? Suis-je déjà en stage avec des malades alors que moi, j’étais venu apprendre sagement ? 

La zone de confort, c’est encore loin ?

Pendant 2 jours, je vais réapprendre à être motard. Les instructeurs s’occupent tout de suite de poser des bases solides. De retour à l’école, à apprendre à slalomer entre les plots, apprendre à gérer son corps, bouger son bassin, apprendre à gérer les commandes de la moto, le ralenti, le freinage, l’équilibre. Ma réputation de pilote hors norme est immédiatement établie quant au bout de 2 heures, j’ai déjà décidé de raccourcir 2 leviers à l’épreuve des limites de la gravité. C’est marrant, on oublie vite les choses à force de ne faire que de l’interfile !

Mais à l’Enduro Park, tout va très vite, les progrès dans la maitrise de la bête, comme l’enchainement des ateliers. C’est intense, il fait 5 degrès avec de la neige fondue et des rafales à recoiffer un Lolo. Pourtant, j’ai chaud et je sue comme un porc. Concentré sur mon pilotage, la météo n’existe plus, les vignes n’existent plus, et … ah merde je suis tombé !

Je ne vous cache pas que la première balade, c’était un peu la panique pour moi. « Attends il m’a dit quoi ? Attends, mais il va où là dans le ravin ? ». « Je veux t’aider à sortir de ta zone de confort. Tu vas passer des obstacles compliqués ici pour gagner en confiance et trouver les choses plus simples par la suite. Tu vas sortir de ce stage, tu pourras rouler de manière autonome », prend le temps de m’expliquer, Bruno, l’instructeur de mon groupe, alors que je suis en train de relever la moto (toujours en poussant sur les cuisses, la tête relevée !).

Partir conquérir le monde, c’est l’objectif. Alors chaque atelier est suivi d’une petite balade, on met en application. Ici on prend du plaisir. On est dans l’esprit du GS Trophy et on cultive votre goût pour l’aventure motorisée. Et ça marche.

Les 2 jours sont denses pour la tête qui doit assimiler et pour mon corps de Robocop qui doit se déverrouiller tout doucement. Pourtant, me voilà lancé dans une pente rocailleuse, cul en arrière, avec une machine de 230 kg que je pensais trop pataude pour l’épreuve. La pente est interminable, a pied je serai déjà tombé, “regard au loin ! Tout doux sur le frein avant, pas de vitesse !”, me gueule Bruno qui suit l’action. Je vois une lueur de fierté dans son regard, puis je me vautre au ralenti, pour ne pas le décevoir.

Too big to fail

Pendant la pause déjeuner, je fais mon journaliste et pose la question : Pourquoi êtes-vous venus ? « J’ai envie de découvrir le côté baroudeur de ma BMW, qu’elle devienne plus qu’un bel objet à mes yeux », m’explique le premier camarade venu avec sa 1250 GS Edition 40 years. « Je vais pleurer à la première rayure, mais après ça va être génial ! ». Je suis admiratif, il faut oser mettre une moto à plus de 20 000 euros dans les cailloux pour se sentir heureux. Où alors, il faut réfléchir à l’envers justement : payé autant pour se priver de sa vraie fonction, n’est-ce pas cela la vraie folie ? 

Les autres participants sont plus pragmatiques. Tous propriétaires de GS, ils ont préféré louer une moto sur place. « Si tu fais le calcul, c’est vite plus rentable que faire des réparations en rentrant ». L’Enduro park possède une certaine tolérance sur les chutes, « les motos sont faites pour ça, tant que vous n’abusez pas et que vous ne faites pas n’importe quoi avec », explique le responsable du stage. « Pour moi, ça permet de me concentrer sur l’apprentissage, sans me mettre des limites parce que je ne veux pas abîmer ma moto », me raconte un camarade venu de La Rochelle avec son frangin.

Et puis, en vrai journaliste sceptique de tout, j’émets une réserve sur l’idée d’une initiation en off-road avec une bête de plus de 230 kg. Ne serait-il pas plus logique de faire ça en enduro. « Le poids n’est pas vraiment un problème, on va t’apprendre à le gérer » m’explique Claude, l’un des instructeurs, “c’est différent d’une enduro, il y a une technique propre”.

Aucune GS n’a été maltraitée pendant ce reportage (ou presque)

Guidée par mon talent et mon sens de l’équilibre, ma petite F 850 GS va faire une dizaine de chutes dans le weekend. Sur le gazon entre 2 plots, sur le gazon entre 2 bouts de bois pour simuler une ornière, puis dans une vraie ornière, dans un pierrier, 100 mètres plus loin dans le même pierrier. Et même à l’arrêt comme un c**. Mince Gunther, elles sont rustiques tes meules !

La GS tient le choc et l’opération séduction fonctionne. Je découvre et apprend à exploiter au mieux les forces de la GS et de ses aptitudes, surtout les 1250 GS, qui ont deux gros avantages :

Le premier, c’est le flat-twin. Son centre de gravité bas rend le poids de la moto étonnamment facile à gérer, plus facile que la petite F 850 GS pourtant quelques dizaines de kilos plus légère, mais avec un moteur « traditionnel ». On découvre un équilibre à basse vitesse et dans les portons chaotiques.

L’autre avantage, c’est la suspension Télélever qui donne l’impression que la moto est montée sur un tapis volant. Pas forcément génial pour le ressenti, mais la moto ne va jamais plonger comme avec une fourche traditionnelle. Pratique en descente dans les pierres. 

On apprend à travailler avec toutes les armes à dispositions : l’électronique embarquée pour jouer sur les modes de conduite, le traction control et même l’ABS. On doit prendre en considération le Shiftcam pour s’arrêter en cas d’urgence, etc. La GS est bourrée d’astuces, elle est souvent plus intelligente et plus apte que son pilote, alors il faut apprendre à lui faire confiance.   

« Disons qu’une Enduro va passer partout, avec l’objectif de la performance. La GS, son but, c’est de t’emmener à ta destination quoiqu’il arrive, alors ça ne sera pas toujours rapide, mais elle le fera », m’explique Bruno mon (patient) instructeur. C’est la différence entre une mule de montagne et un pur sang arabe.

Et là, je vois le sourire de Gunther au marketing, en train de finir sur Currywurst à la cafétéria tout en lisant ces lignes, parce qu’il est en train de justifier le prix de sa GS sans forcer. Ce que ne dira pas Gunther, c’est qu’il exploite une vieille recette qui remonte à la R80GS des années 80. Déjà un moteur boxer, déjà une transmission par cardan, déjà une suspension Paralever, et donc déjà un ovni dans le monde de la moto. Un coup d’audace très germanique qui est venu bouleverser à jamais le tout-terrain. 

Tu l’aimes ma grosse GS ?

2 jours intensifs à rouler dans les collines du château et je comprends mieux quand le camarade Momo disait au Touquet « c’est épuisant, il faut avoir une vraie condition physique ! » ou quand Lolo lui disait «  apprendre à aimer le gout merde ! ». C’est un plaisir masochiste, mais on ne se fait pas vraiment mal, enfin je me suis fait une cheville quand même, mais ça, c’est mon goût du gonzo journalisme.

La récompense de fin de stage, c’est une grande balade qui nous emmène jusqu’à la plage. J’étais fier de suivre les instructeurs et je m’y voyais déjà : « Attends si je propose à Momo de faire un team GS Trophy ? », l’instant suivant, je manque de finir noyé dans un petit gué. 

La plage s’offre enfin à nous ! Découverte du sable et des joies de savoir où mettre les roues. C’est con le sable il a raison Momo !  Tout le groupe, s’amuse comme des gosses, la GS Edition 40 years est encore parterre, son propriétaire hilare, heureux. Mission accomplie !

De mon côté, me voilà fraichement baptisé du off-road, déjà affamé d’histoires à écrire dans la terre, la boue, le sable. Je n’ai pas de GS et je ne compte pas en acheter, mais mon regard sera différent sur le periph quand j’en verrai une “Ah ! Tu serais bien mieux au fin fond du Kazakhstan ma belle !”. 

Merde Gunther, à cause de toi je suis devenu un mec bizarre avec des tendances SM !

La Box Enduro Park, c’est un stage de 2 jours. Une formation intense, mais accessible à tous puisqu’il s’agit d’une initiation pour les débutants. Il existe aussi une formule sur une journée.

Il faut compter 500 euros, ce qui inclut les repas du midi et un diner, et surtout la dégustation de vin ! Il faut rajouter la location de la moto sur place (si besoin) et l’hébergement.

Les dates vont de fin mars à fin octobre, avec une pause en août. Il existe un stage réservé aux femmes

Cet article a été écrit par Julien Muntzer: “Journaliste depuis 2010, j’ai d’abord été reporter pour France24 et TV5Monde avec beaucoup de voyages en Afrique. Mais comme je suis un peu farfelu et surtout obsédé par la moto depuis gosse, j’ai décidé de remonter en selle à la trentaine. La moto, c’est le fil rouge idéal pour vivre et raconter de belles histoires, en en prenant plein la gueule”.

Par |Publié le : 28 avril 2022|2 Commentaires|

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2 Commentaires

  1. Stéphane 10 mai 2022 à 11h42-Répondre

    Je plussoie tout ce qui a été dit au-dessus. Une expérience unique et hors norme pour moi qui n’avait jamais mis mes roues hors bitume (enfin.. volontairement..), le tout dans un cadre magnifique et encadré par des pros (Merci Bruno).

  2. Cédric JOUBERT 28 avril 2022 à 20h01-Répondre

    Super papier!
    J’ ai eu la chance de bénéficier des savoirs d’ un des instructeurs de Lastours (dont je tairai le nom, discrétion oblige) une journée complète sous une pluie battante dans les montagnes près de chez moi. Tomber, relever la moto, retomber mais ne pas laisser tomber pour qu’ au final je prenne un pied comme rarement au guidon de ma bécane et surtout gagner une confiance qui chaque jour est un plus.
    L’ esprit de ces gens là est super positif et bienveillant et le “gros” trail une arme redoutable pour sortir des routes bitumées après avoir parcourus des centaines de bornes pour changer d’ air!

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