Lancé en 2019, le projet TE-1 semblait mal embarqué. Deux ans de silence radio puis Triumph annonce en mars 2021 les grandes lignes de la future moto électrique qui semble avoir survécu à la Covid-19. Un an plus tard, la fin de la troisième phase collaborative du projet TE-1 est bien là et l’annonce est officielle : le prototype de démonstration est prêt.

Make Britain Great Again

Il n’y a jamais eu autant de monde sur une moto. Ce projet, le Royaume-Uni a en a fait un porte-étendard de ses ambitions pour le “zéro émission”  et de ses espoirs de reconquérir sa gloire industrielle passée. 

Pour y arriver, les principaux acteurs et experts de l’électrification de la mobilité du royaume ont été associés : Williams Advanced Engineering pour les batteries, Integral Powertrain pour l’unité de puissance et WMG de l’Université de Warwick pour la validation et la projection des concepts. Tout ce beau monde est poussé en avant par le gouvernement britannique, avec le bureau « for zero emission vehicules » et l’Agence de recherche et d’innovation britannique qui chaperonne le projet. Le tout dirigé par les équipes de Triumph.

« Chez Triumph, tout le monde est fier d’avoir participé à cet innovant partenariat britannique. Personnellement, je suis absolument ravi des résultats obtenus jusque-là avec nos partenaires et d’entrevoir l’avenir électrique qui s’offre à nous », déclare Nick Bloor, PDG de Triumph.

Car l’objectif, au-delà d’aider Triumph à faire une moto électrique, c’est de stimuler l’innovation et les capacités d’ingénierie du Royaume-Uni.

Street electrical ?

On pourrait presque la confondre avec une Street Triple, la faute à ce phare avant et à une équipe d’Hinckley qui voulait préserver l’identité visuelle de Triumph. Pourtant, ne vous y trompez pas, les Anglais souhaitent faire la révolution. La moto part d’une feuille blanche pour ne pas se laisser « polluer » par des concepts qu’un modèle basé sur le thermique pourrait leur imposer. L’objectif est d’avoir le champ libre pour innover et repenser la moto.

Après des centaines d’heures d’essais approfondis et de simulations, Triumph vient donc de finir d’assembler tous les composants pour faire du projet TE-1, une vraie moto.

Triumph s’est occupé des fondations

Hinckley a travaillé sur le châssis, la partie cycle, l’électronique dont le logiciel de contrôle de puissance, la transmission et les différents éléments qui constituent une fiche technique alléchante.

Triumph a aussi intégrés au projet des partenaires connus de la moto, et pas des moindres : une transmission par courroie Gates Carbon, des suspensions Öhlins avec une particularité à l’arrière puisqu’il s’agit d’un prototype de combiné de suspension. Et enfin des étriers monoblocs Brembo M50.

Williams a lutté contre le poids

Williams Advanced Engineering, c’est l’ancien département de Williams F1 et l’actuel fournisseur de batteries en Formule E. L’entreprise s’est occupée du prototype de bloc-batterie, l’unité de contrôle de véhicule, un convertisseur CC-CC (courant continu), un système de refroidissement intégré, un port de recharge et des couvercles stylés en carbone.

Un gros travail a été fait pour que les batteries soient le plus légères possibles, et s’intègrent dans la moto afin d’optimiser son centre de gravité. « En créant la batterie de zéro, nous n’avons fait aucune concession sur sa conception et nous avons pu repousser les limites des technologies actuelles pour offrir des performances et surtout, de l’autonomie » déclare Dyrr Ardash, directeur Partenariats stratégiques, Williams Advanced Engineering.

Integral Powertrain, s’occupe du jus

Pour le cœur de la moto, c’est-à-dire le groupe motopropulseur, c’est Integral powertrain qui a travaillé dessus. Un moteur électrique évolutif dense en puissance et un onduleur en carbure silicium, avec un système de refroidissement liquide et le tout intégré dans un même carter moteur.

Le module doit pouvoir développer 9 kW/kg en densité de puissance continue et 13 kW/kg en crête. C’est 60 % de mieux que l’objectif que s’était fixé les équipes. Et la bonne nouvelle ne s’arrête pas là puisque le TE-1 pourrait développer, en théorie, 500 kW de puissance, soit « 670 ch, peut-être plus », ce qui amuse Andrew Cross, le directeur technique chez Integral Powertrain.

Le tout, en utilisant des matériaux et des processus compatibles avec la production automobile de masse. D’ailleurs, le moteur pourra être adapté à différents usages : « Le concept de l’onduleur, qui est également évolutif en modulant le nombre d’échelons de puissance en carbure de silicium pour différents diamètres de moteur, est vraiment performant (…) ce qui nous permet d’optimiser cette plate-forme pour la production », tente de vulgariser Andrew Cross.

WMG pour garder le sens des réalités

Faire un projet révolutionnaire, c’est bien. Le rendre utilisable dans le monde réel, c’est mieux. C’était la tâche des équipes de WMG de l’université de Warwick. Ils ont réalisé les simulations des essais préconditions réelles, ils ont modélisé les retombées commerciales et ont produit une simulation basée sur les futurs besoins du marché.

Ils ont aussi travaillé sur des scénarios qui correspondent à l’usage d’un motocycliste au quotidien. Ils ont donc évalué l’intérêt d’avoir des stations de charge dédiées aux motos, les chaines d’approvisionnement et l’impact des politiques gouvernementales actuelles sur le projet. Ils ont déjà soumis le résultat de l’étude aux représentants du gouvernement britannique. 

What’s next ?

Pour la quatrième et dernière phase, Triumph sera seul aux commandes. Un programme d’essais en conditions réelles qui va durer 6 mois. D’abord la phase de test sur banc d’essai à Hinckley, puis des essais sur piste. L’objectif est de travailler sur l’étalonnage, la maniabilité et les réglages de la moto.

Une dernière retouche cosmétique et la moto sera présentée officiellement cet été. Triumph promet que le projet va établir de nouveaux standards pour l’industrie moto, notamment sur les performances d’autonomie et de batterie. 

En mars dernier, Hinckley avait donné quelques indices sur la moto : 220 kg, 174 ch, une autonomie annoncée de 200 km environ et une recharge de 0 à 80 % en un temps record de 20 minutes. Et surtout, pas de dégradation des performances quand le niveau de charge de la batterie est faible. Il est possible qu’en un an, les chiffres aient encore évolués.

Game-changer

Les Britanniques ont l’air très contents d’eux : « Cette phase a débouché sur des succès clés, notamment des résultats d’essais supérieurs aux niveaux et objectifs fixés par l’UK Automotive Council pour 2025, avec une plate-forme vraiment prometteuse pour l’avenir des performances des motos électriques », explique le communiqué Triumph. 

Une moto qui permet au Royaume-Uni de développer toute une base industrielle : production, chaines logistiques, création d’une expertise et d’une main d’œuvre qualifiée sur l’île. C’est la mise en place d’un nouveau marché qui répond à une demande grandissante et va engendrer de la création d’emplois. 

” Si nous voulons pouvoir placer le Royaume-Uni à l’avant-garde de la conception, de la fabrication et de l’utilisation des véhicules zéro émission, il est essentiel d’investir dans la recherche et le développement (…) Nous contribuons ainsi à tenir nos objectifs de décarbonation des transports routiers, tout en fixant l’activité économique au Royaume-Uni, ce qui soutiendra une reprise verte après la pandémie ” explique Jon Bray, responsable Recherche et Développement (R&D), de l’Office for Zero Emission Vehicles.

La TE-1 va donc sauver la planète, l’économie et les motocyclistes britanniques. Good job mate !

Cet article a été écrit par Julien Muntzer: “Journaliste depuis 2010, j’ai d’abord été reporter pour France24 et TV5Monde avec beaucoup de voyages en Afrique. Mais comme je suis un peu farfelu et surtout obsédé par la moto depuis gosse, j’ai décidé de remonter en selle à la trentaine. La moto, c’est le fil rouge idéal pour vivre et raconter de belles histoires, en en prenant plein la gueule”.

Par |Publié le : 9 février 2022|1 Commentaire|

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Un commentaire

  1. Peulen 15 février 2022 à 8h10-Répondre

    Bonjour,

    même si je ne suis pas fan de l’électrification des véhicule, je trouve que Triumph&Co est à même de réussir un model non seulement beau, agile et performant ( Au dire des chiffres et des annonces faites)

    Il faut saluer la performance et l’audace de la marque.

    Bonne journée a tous

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