Comme je te le disais précédemment, la délation c’est moche. Après m’être fait salement dénoncé, j’ai pris la route direction Mazeau.
Quand tout d’un coup, au loin, dans un champ, ils étaient là. Des nids de cigognes tout en haut des arbres. Oui mais avec des cigognes dedans … qui caquètent et se foutent visiblement de ma gueule. J’ai quand même fait quelques images, je les ai traitées de frileuses, de fainéantes, de jouer double jeu comme les retraités, profitant des avantages du Maroc et de la France en même temps, et … j’ai tourné les talons devant ce pitoyable spectacle et je me suis cassé. Sans même leur dire au revoir.

Nan, laissez, je vais faire le boulot.

Ca n’allait pas se passer comme ça. Clairement, si les cigognes ne font plus leur boulot, tant pis. Moi, j’allais le faire. J’ai donc et quand même persisté et signé, pour descendre jusqu’à Dakar avec une mission qui aurait du être celle de ces cigognes: ramener dans mon baluchon, la petite Marie Emmanuelle, 5 mois, qui a besoin de se faire opérer du coeur en France, par Mécénat Chirugie Cardiaque. Mais c’est alors que j’ai pris un troisième coup de massue sur la tronche. Lequel m’a presque achevé. Ma mobylette a commencé à donner des signes de fatigue. Obligé de la relancer à chaque arrêt pour qu’elle ne cale pas. Contraint de faire cirer l’embrayage à chaque relance pour qu’elle ne s’étouffe pas. Dakar, c’est encore loin ? Oui assurément.

Le code européen, tu connais ?

Pour ne rien gâcher, la nuit est tombée et ses conséquences n’ont pas tardé à se faire sentir. T’as déjà roulé de nuit avec une moto de 1973 équipée en 6 volts avec un code européen toi ? Je m’étais dit « allez, je vais faire comme d’hab. Je vais surveiller le profil de la route sur mon GPS et au feeling, ça devrait le faire. » Sauf que mon GPS, apparemment réglé en mode « sans péage, sans autoroute, sans nationale, ni départementale mais pas sans emmerdes » m’a emmené vers des vicinales et … le noir absolu. Je te jure que je n’y voyais pas à 3 mètres. Pas même le bord de la route, ni les bas-côtés, ni les fossés où j’ai failli finir. J’ai fait demi-tour et je suis retourné sur la nationale où je me suis fait incendier par tout le monde (les gars, tant qu’à m’allumer, le mieux aurait été de m’éclairer) parce que je n’éclairais pas assez.

La complainte du VRP

C’est comme ça que j’ai atteint Niort. Désespéré, anéanti. En me disant, pour la première fois de ma vie, que mon idée était peut-être et effectivement complètement conne. J’ai pris une chambre à l’Ibis, bouffé en quatrième vitesse une pizza dégueulasse (service restreint du dimanche soir oblige – ha bon, c’est une raison valable ça ?!?) et suis ressorti au chevet de mon AG 100 que j’ai déplacée sous un lampadaire. J’ai démonté le carbu dont la cuve semblait plutôt propre. OK. J’ai tout remonté, j’ai desserré la vis de ralenti, vissé la vis de richesse à fond puis je l’ai desserrée de deux tours. Et là, gentiment par quart de tours, j’en ai modifié la position pour enrichir la carburation, vérifiant qu’elle ne s’étouffait plus à la reprise, avec de petits coups de gaz à réveiller tous les VRP de l’Ibis.

Finir comme Richard Claydermann

J’ai fini par trouver un compromis. Non pas avec les VRP et pas hyper satisfaisant non plus, mais avec ma mob. C’était moins pire qu’avant. Vu qu’il était déjà tard, j’ai tout remballé et tout misé sur mon esprit positif pour me dire que ça irait mieux demain. Je suis donc allé me coucher, non sans constater, que dans le hall d’entrée, en guise de déco, étaient punaisés, des 33 tours de Richard Claydermann, juste au-dessus du disque « Vendanges des vignerons » comportant tout de même six pistes. C’est moche la vie. Avoir autant de succès pour enfin finir là … et j’en sais quelque chose vu comment tu me voies. Comme quoi hein « on ira pas tous au paradis non plus hein! » Certains finiront à l’ibis comme moi aussi, j’ai failli finir ma vie (cherche bien, tu trouveras dans ces phrases pas mal de titres des années 80).

Trop impatient

Bref, le lendemain, accompagné par la positive attitude, je balance un vif coup de kick dont la force signifie clairement « démarre s….. »  et là … miracle. La bête démarre et ronronne comme un chat de gouttière qui vient te faire chier dans ton lit à 5 heures du matin, parce que le décalage horaire, lui, il s’en fout. J’ai réalisé à postériori, mon impatience de la veille. A chaque petit réglage, j’aurais du attendre un peu plus que l’essence remplisse correctement le carburateur pour en constater les effets bénéfiques. Là, c’était juste merveilleux. J’ai recalé le ralenti, avec ma Yam AG100, on s’est rabibochés et on est repartis bras dessus, bras dessous

Un mauvais plan de secours ?

J’avoue, je ne lui ai pas tout dit à mon AG 100. Dans la nuit, j’avais appelé tout Paris pour savoir s’il quelqu’un pouvait me descendre ma vieille Ténéré 600 de 1984 pour remplacer ce tracassin choisi par erreur. Sauf que ma Ténéré pissait l’huile côté joint de carter d’embrayage. Sauf que le dit embrayage était mort. Sauf qu’on n’avait pas de joint d’embrayage. Sauf que demain m’attendait le bateau pour le Maroc. Alors je me suis ravisé. Je me suis dit que les plus grands spécialistes de cette moto étaient justement et sans doute en Afrique, là où elle a été énormément vendue. Je me suis dit que j’allais sans doute y trouver plus facilement des pièces pour me dépanner. Et puis, sincèrement, sans cette AG 100, jamais je ne me serai fait traiter de maso non ? L’histoire était trop belle, elle commençait à s’écrire magnifiquement. Bon, je suis quand même passé chez Décathlon pour acheter un éclairage arrière de vélo et réussir à ne plus à ne plus me faire rouler dessus. J’attends d’ailleurs impatiemment de pouvoir acheter au Maroc des ampoules de rechange en 6 volts que tu ne trouves plus même chez Norauto.

L’insouciance est revenue

C’est comme ça que, comme un pinson qui chante, au gré de ce petit deux-temps à la carburation désormais parfaite, ne me souciant plus que de la beauté de la nature et accompagné quand même par un soupçon de « putain, ça caille grave quand même», j’ai traversé la France en diagonale. Angoulême, Figeac, Rodez, Millau, Saint Guilhem le Désert. Une sérénité qui m’a enfin permis de vérifier deux ou trois choses essentielles.
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1. Mon réglage carburation fonctionne super bien. J’ai juste un peu baissé le ralenti. Peut-être que quand il fera chaud, il faudra que je le remonte. Et c’est pas une valise diagnostique qui te ferait ça en roulant.
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2. Bien que j’ai désormais enrichi la carburation, ma consommation n’a quasiment pas variée. Je consomme entre 4,3 litres au 100 km et 4,5 litres. Ce qui me donne en théorie une autonomie de 260 kilomètres avec une réserver passée super tôt à 191 kilomètres. Je ne vais pas avoir d’autre choix que d’embarquer de l’essence avec moi.
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3. J’ai fini par m’habituer à l’effet « roue arrière voilée » de ma mob. A chaque fois que j’accélère, la moto rebondit sur ses suspensions. Effet absolument pas du à la jante voilée mais … à un bib mousse rentré à force dans le pneu arrière. Je t’explique. Amaury m’a commandé un bib le plus fin possible pour une jante de 18 pouces. Sauf qu’au moment de le rentrer, même en mobilisant tout l’atelier, impossible de le rentrer. Du coup, on l’a opéré, à grand coup de cutter. Oui âme sensible, ne lisez pas ce qui va suivre. On lui a enlevé de la masse sur un côté. Puis comme ça rentrait toujours pas, de l’autre côté … puis sur la bande roulement et enfin, on lui en carrément enlevé une tranche de facile 15 cm, sur sa circonférence. Et là, c’est enfin rentré. Je ne veux même pas savoir la tronche que ça a là-dedans mais une chose est sûre. Je ne vais pas crever ni défoncer le bib en 7.000 km car avec 9 chevaux et si peu de couple, je ne risque rien. Ma seule inquiétude est de voir que cet effet d’oscillation finisse par déformer la jante. Va falloir surveiller régulièrement la tension des rayons.
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4. J’hésite encore sur la façon de repartir le poids de mes bagages. Oui, je sais: « j’en emmène trop et gnagnagna. » Pars pour Dakar en autonomie avec un haut moteur complet + embrayage au cas où + des outils + de quoi bivouaquer par -2 degrés dans le désert, filmer, charger ton ton matos vidéo, un trépied vidéo pour te rapporter plein de souvenirs et … on en reparle. Bref, j’ai essayé de profiter du porte paquets avant pour y mettre pas mal de choses mais ça faisait engager l’avant. Cela dit, j’ai essayé cette solution avant d’avoir chargé l’arrière. Faut que je ré essaye cette répartition des masses en configuration « full chargé » pour voir si c’est pas mieux. Parce que là, quand tu prends une bosses en plein virage, les suspensions viennent taper en butée, te font rebondir et élargir la trajectoire. Suffit de le savoir et … de l’ignorer en même temps.
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5. J’aurais du changer le joint du robinet d’essence. Il commence à être difficile à manipuler et chaque fois que je tombe en réserve, je suis obligé de m’arrêter.
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6. Si je tenais le con qui a invité l’expression « en deux temps, trois mouvements. », je lui tords le cou. Je dirais plutôt, deux-temps, 100 cm3, 9 chevaux = 60 km/h de moyenne quand les conditions sont vraiment optimales. Vent de face, le long de l’Atlantique, pour aller de Tan Tan à Guerguerat, la punition risque d’être sévère et longue

Roule, y’a toujours pire

Bon allez, je t’ai assez tenu la jambe, j’embarque sur un GNV (enfin quelque chose de rapide dans cette histoire, quoi que …) direction Nador. L’occasion pour moi de constater qu’il y a toujours pire ou plus dingue. Comme ce type qui embarque avec un tube HY rouillé jusqu’à l’os pour le refaire au bled ou encore ce fichu Peugeot Partner chargé ras la gueule qui refuse de démarrer au moment de l’embarquement !!! Comme quoi, la relativité, au moins, ça existe clairement.

Si tu souhaites faire un geste pour Marie-Emmanuelle, c’est ici auprès de Mécénat Chirurgie Cardiaque

Toi aussi, raconte moi ton voyage

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DAKAR EN YAMAHA AG100

Par |Publié le : 10 février 2024|4 Commentaires|

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4 Commentaires

  1. Jcharles 20 février 2024 à 11h16-Répondre

    la prochaine fois que tu passes par Niort et ses alentours, fais moi signe et je pourrais t’éviter l’hébergement dans un hôtel ibis. tu pourras même profiter d’un garage eclairé pour solutionner d’éventuelles pannes! bonne route et bravo pour ce que tu fais pour Marie-Emmanuelle !

  2. Polo 11 février 2024 à 17h59-Répondre

    Gaz Lolo, C’est toujours un plaisir de te lire… et si en plus y a une belle cause derrière tout ca ce n’est que plus chouette.
    Bon voyage sur ta mob de course

  3. Gwen 11 février 2024 à 10h16-Répondre

    Salut Lolo,

    C’est toujours un plaisir de suivre tes aventures et te lire.
    Je ne suis pas aussi assidue que je voudrais dans le suivi de tes aventures, mais j’essaye toujours de jeter un oeil dés que je peux.
    La je me dis il s’est encore lancé dans un road trip de fou, ça va être sympa, si, ça va être sympa, même avec les galères car ça fait partie du trip.
    Quand je vois ça, ça me donne toujours envie.
    Et puis faire ce trip pour une bonne cause, ça mérite le respect.

    Parc contre, je me pose une question à laquelle tu as peut être déjà la réponse, mais comment tu vas faire en arrivant à Dakar?
    Je parle évidemment de la situation actuelle dans le pays, avec les manifestations et les heurts. Il vient d’y avoir un deuxième mort quand même!
    On ne peut pas dire que ce soit les meilleures conditions pour une arrivée sur place, même si tu a encore du chemin.

    Courage, et poignée en coin😁

    • Laurent Cochet 11 février 2024 à 11h35-Répondre

      C’est assez localisé et j’ai une source d’infos sur les événements et les lieux où ça craint.

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