MOMO AU DAKAR – SP 6 SUITE – 3 JOURS EN ENFER

« J’ai vécu trois jours d’enfer. Ça a commencé à la journée 5 où j’ai merdé. En fait, on avait 500 bornes de liaison puis 150 kilomètres de spéciale. Mais les dunes étaient hyper hautes et cassantes sur le 10 premiers kilomètres. Du coup, ils ont neutralisé le chrono sur ces 10 premiers kilomètres et en partant … j’ai oublié l’info. Je suis arrivé en haut d’une dune immense et j’ai découvert le vide sous moi. Une chute comme à la télé. Je suis resté au moins 5 secondes en l’air avant de m’écraser. J’ai fait panne de son et d’image. Quand je me suis réveillé, j’étais tout seul. J’ai réussi à remonter sur la moto et à finir. Le soir au bivouac, je suis allé au médical qui m’a diagnostiqué un arrachement des ligaments d’une malléole, une luxation acromio-claviculaire, pas la même que celle que je me suis faite avec toi sur l’Africa Eco Race pour bien faire. Plus ma blessure au genou du premier jour et je pense que j’ai une cote cassée. »

Bon je vais pas te romancer l’histoire avec de belles phrases et des adjectifs à la con, je laisse la parole à Momo sur cette spéciale marathon qui a, en fait, commencé bien plus tôt pour lui.

« C’est la grosse connerie que j’ai faite. Si je ne m’étais pas fracassé ce jour là, le lendemain, mon rythme aurait été nettement supérieur. Reste que c’est dans cet état là que je suis reparti pour la spéciale 6, la journée marathon. Je ne pouvais vraiment plus me lever sur la moto, j’ai tout fait assis pendant 600 bornes de dunes. J’ai cramé mon moteur, mon moteur est foutu. »

« Forcément, comme j’avançais pas une cacahouète, j’étais tout le temps assis, en seconde à fond. Quand ça va, normalement, t’es en 3 dans une espèce de rythme. Mais là, quand t’es à l’arrêt, en bas de chaque de dune. T’es limite au rupteur en seconde pour espérer monter. Du coup, tu sollicites le moteur plus que nécessaire. J’étais en surchauffe tout le temps. Du coup, pour ne pas casser le moteur, tous les 50 bornes, je m’arrêtais remettre de l’eau. Y’avait pas de point d’eau. J’ai manqué d’eau mais grave. J’ai fait toute la journée avec un autre pilote Bruno Leblanc. Je lui ai dit : « tu pisses pas hein . Dès que t’as envie, tu me le dis, tu pisses dans ma bouteille et je mets dans le radiateur. Ça fait deux jours qu’elle tourne à la pisse la moto. »

« Vers le kilomètre 180, un mec s’est crouté devant moi. J’ai du appeler l’hélico. Ça m’a coûté un quart d’heure. C’est pas le temps qui compte, je m’en bats les couilles, c’est juste que c’est ce qui m’a manqué pour sortir des dunes le lendemain. Et après, je suis retombé sur un concurrent en panne d’essence. On lui a filé de l’essence, je suis resté derrière lui pour être sûr et il est retombé en panne d’essence. Je lui ai redonné de l’essence. Cette demie heure là, il m’a aussi manquée après. »

« On est arrivés sur le premier bivouac à 15 heures 50. On avait dit minutes pour choisir si on restait bivouaquer ou si on repartait pour avancer. Car passé 16 heures, plus personne ne devait repartir des différents bivouacs atteints. On savait que si on continuait, notre chrono ne serait pas neutralisés comme tous ceux qui s’arrêtaient dans les bivouacs mais on a préféré avancer malgré les tonnes de pénalités qu’on allait prendre. Le but, c’était d’être sûrs de sortir le lendemain. On s’est dit, si on ne fait que 200 km en une journée, on ne vas pas réussir à en faire 400 le lendemain. On est reparti et on s’est dit, on va essayer d’arriver au km 300 aujourd’hui puis 300 le lendemain. En fait, avec la nuit, on a du s’arrêter au kilomètre 250 où on pensait qu’il y aurait un autre bivouac mais il était au kilomètre 300. On s’est posé dans les dunes. Un hélico est venu nous jeter un duvet et des rations. Ils nous jettent ça et … pas d’eau. On était vraiment en galère. Et puis moi, l’eau je la gardais pour la moto donc j’ai beaucoup manqué d’eau. »

« Le lendemain, on est repartis. A 50 bornes de l’arrivée, j’avançais plus, j’ai dit à Bruno « casse-toi, sors des dunes ». Il a géré, il a été top avec moi. Il restait 6 kilomètres pour sortir mais je suis arrivé de nuit. C’était des dunes L3, des grosses grosses dunes et je me suis perdu. Je ne m’en suis pas rendu compte tout de suite. Devant toi, t’as une dune énorme. Tu montes, tu montes, tu montes et en fait la nuit, t’es tanqué sans arrêt. De nuit, tu sais pas qu’elle fait 30 mètres de haut. Imagine tu soudes comme un connard et je me fais la même que la veille, j’avais pas envie. A un moment, j’ai vu des traces, je suis redescendu et j’ai commencé à tourner en rond. J’ai pris le plateau à l’envers. Heureusement, je suis retombé sur un danger 2 que j’avais eu à l’allée. En cherchant dans les notes, j’ai vu que j’étais à l’envers. J’ai repris la piste à l’endroit. Je ré attaqué les dunes L3 et je suis tombé en panne d’essence. Si j’avais pas tourné en rond, je sortais de la spéciale. »

« L’organisation m’a appelé pour savoir ce que je faisais. Je leur ai dit « non, non, j’abandonne pas. Je repars ». Ils m’ont dit « on vous envoie un hélico. » En fait, l’hélico est venu me jeter de l’essence et de l’eau mais c’était de nuit dans un endroit où il ne pouvait pas se poser dans les dunes cassées dans tous les sens. Les mecs me jettent de l’eau, sur les 6 bouteilles, y’en une qui a survécu. Les autres ont éclaté. »

« Du coup, j’ai dormi dans les dunes. Autant la première nuit, avec le duvet et la ration, ça a été cool, autant la deuxième nuit, enculé, j’ai dormi dans une dune plié à 45 degrés. Je me suis pelé les couilles y’avait du vent. J’ai pris ma couverture de survie et j’ai fait un tas de sable pour me protéger. Je me suis dit, le vent va me recouvrir pendant mon sommeil, je vais me retrouver sous une dune, ils vont jamais me retrouver.  C’était vraiment chaud. Je suis arrivé ce matin, j’étais en larmes. Je me suis dit « si je me suis cassé les couilles comme ça et que je suis pas classé … »

Sorti des dunes, voici le plan que Momo a échaffaudé alors qu’il ne savait pas encore s’il  était classé ou pas. « Le plan, c’est de rejoindre le bivouac en avion à 850 kilomètres de là et d’attendre que ma moto arrive. En attendant, je vais déballer le moteur que j’ai acheté juste avant de partir. C’est un moteur qui a déjà un Dakar dans les pattes et je ne sais pas ce qu’il vaut. Par sécurité, je vais lui changer l’embrayage et faire le jeu aux soupapes. Je vais aussi préparer mes roues. Ensuite, ma moto devrait arriver vers minuit et je vais changer le moteur. Je vais pas beaucoup dormir mais je repars demain matin. »

«  Je suis content, ravi de ce Dakar. C’était dur et surréaliste. 600 bornes de dunes de fils de pute. Tu sais des fois, tu te dis, il va y avoir un chott pour nous laisser souffler. Mais non on faisait à peine deux kilomètres dans un chott pour rejoindre un autre cordon de dunes. Même à 6 kilomètres de l’arrivée, je suis tombé sur un chott, je me suis dit, c’est bon, je suis sorti. Et là, je tourne la note suivant et je vois L3, les dunes les plus hautes. Bâtard pour les 5 derniers kilomètres, ils ont mis de L3. »

«  C’est fait, cette fois, j’ai touché la limite. Il faudrait deux choses. 1 : être bien mieux préparé physiquement. C’est infernal 600 bornes en deux jours. Et puis, il faudrait que mon cerveau change. Je suis toujours en mode course alors que j’ai rien à gagner. C’est comme ça. Quand je roule, j’ai beau me dire « lève la main, lève la main ». c’est comme aller rouler à Carole. Tu sais rouler en 1’06 et tu roules en 1’10 et là tu te dis, je le fais chier. J’ai beau essayer de me dire laisse couler, laisser couler, mon cerveau est pas fait pour ça. »

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